Nous sommes le 1er octobre, c’est donc officiellement… Plumetober !
Ben… enfin… mais si ! Plumetober, l’événement artistique annuel proposé par Justine C.M. !
Bon, si vous ne connaissez-pas, des précisions juste ici : https://justine-cm.fr/event/plumetober-2024/
Pour ce premier jour de challenge, le thème était “étoile double”.
J’ai écrit un bout de dark romance (j’en ferai un roman si on atteint les 200 followers sur Twitch !).
Bonne lecture !
“Pour le meilleur comme pour le pire, dans la santé comme dans la maladie, car tu es mon étoile double et que mon univers et le tien ne font qu’un.”
La voix de Nathanaël était assurée; le jeune quasi-marié avait articulé chacun de ses mots avec une aisance qui lui conféra une aura charismatique auprès de tous les convives.
Quelques instants plus tard, il passait une alliance à l’annulaire de Marion et il pouvait embrasser la mariée.
Les secondes suspendues de ce baiser, yeux fermés, les conduirent loin de cette cérémonie ensoleillée, dans un chalet au beau milieu des Hautes-Alpes, l’hiver dernier, lorsque sous les flocons, iels fomentaient leur plan pour accepter l’union de leurs familles tout en tirant leur épingle du jeu.
Marion était la fille d’un grand nom de la haute couture. Nathanaël, quant à lui, était le fils aîné d’un magnat du pétrole.
Leur famille respective leur avait dit tous les bénéfices qu’il y aurait à leur union, pour le business.
Le jeune fiancé n’était pas gêné plus que de raison par l’idée d’un mariage arrangé. C’était le lot des grandes familles, presque une tradition. Et cela ne l’empêcherait pas de vivre à côté, après tous, les hommes riches pouvaient être des Dom Juan, ça n’avait jamais choqué grand monde.
Marion, en revanche, était réfractaire à l’idée de ces épousailles.
Elle voulait une vie, sa vie, avec une carrière à elle, la poursuite de ses projets personnels et elle ne sentait que trop bien à quel point elle était à peine plus considérée qu’une plante ornementale.
Iels avaient donc longuement discuté, au coin du feu, loin de leurs proches et de toute manipulation.
“Je ne sais pas si tu le sais, parce que je crois ne te l’avoir jamais dit, mais, je tiens à toi, réellement, Marion.
– Si tu dis ça en espérant me faire changer d’avis, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au coude !
– Non, ça n’est pas mon but, si tu ne veux vraiment pas de cette union… Alors elle n’aura pas lieu.
– Tu dis ça, en attendant si on ne se marie pas, tu vas te faire renier au profit de ton frère.
– C’est vrai, mais comme je l’ai dit, je tiens à toi.
– Assez pour renoncer à une vie qui te plairait quand même ?
– Je ne t’ai jamais caché que je rêve d’hériter l’affaire familiale, mais tout a un prix et il y en a un que je ne suis pas prêt à payer.
– Tu es bien le seul, visiblement.
– C’est bien possible. Mais je ne veux pas que mes ambitions te coûtent les tiennes. Je préférerais qu’on travaille ensemble à les rendre toutes possibles.
– Admettons que ça soit faisable, comment tu voudrais t’y prendre ?
– En leur faisant croire qu’ils ont raison de penser que nous sommes une étoile double.”
Elle avait affiché un air inquisiteur et Nathanaël lui avait répondu par un sourire apaisé.
“J’adore les étoiles. Depuis tout gosse, je me documente sur l’astronomie. Et j’ai découvert un jour le concept d’étoile double. C’est le nom que l’on donne quand 2 étoiles sont sur le même plan.
– Nous ne sommes pas sur le même plan.
– Je sais, c’est ce que l’on appelle des étoiles doubles non-binaires. Depuis la Terre, quand on les regarde, on croit voir une étoile double et en fait, les deux étoiles sont à des millions d’années-lumière l’une de l’autre.
– Comme nous.
– Exactement.
– Je ne suis pas sûre de comprendre.
– Nos parents nous voient comme une véritable étoile double, comme si nous gravitions ensemble autour d’un même point centrale de notre propre système, quand dans les faits, nous sommes des étoiles doubles non binaires qui n’avons absolument rien en commun si ce n’est…
– Si ce n’est ?
– Le pouvoir de leur faire croire qu’iels ont raison.
– Tu veux qu’on passe pour une vraie étoile double ?
– Plutôt que de dire que nous n’avons rien en commun, nous pourrions dire que chacun de nous trouve chez l’autre des choses qui l’attirent et des choses qui le repoussent et que pour que cette union fonctionne, il faut que certains besoins soient honorés.
– Hmm, développe.
– J’adore faire du business, mais je déteste les responsabilités; tu adores encadrer et diriger, mais tu détestes les fêtes démesurées où tout le monde joue à qui dépensera le plus.
– Donc tu devrais avoir les portefeuilles clients et je devrais avoir les clés de l’arrière-boutique; tu devrais faire les fêtes, je devrais être la rabat-joie.
– Et comme je suis un flambeur, ça justifiera que tu travailles à autre chose que concevoir un héritier. Et je crois que ça t’arrange.”
Elle eut un mouvement de recul. Iels n’avaient jamais vraiment abordé la question.
“Soyons clairs : je te l’ai dit, je tiens à toi. J’ai compris depuis longtemps et je m’en tape. Est-ce que tu pourrais en dire autant du prochain fiancé que ton père est déjà prêt à trouver ?
– Pas vraiment.
– Alors, tu en penses quoi ? On peaufine les détails et on cède à un risque calculé ? Ou tu veux tenter ta chance avec le prochain Casanova qu’on te présentera ?
– Je suis d’accord pour qu’on crée quelque chose ensemble, à condition que tu répondes à une question.
– Je t’en prie.
– Qu’est-ce que tu entends y trouver ? Parce que visiblement, tu sais ce que je veux éviter, mais toi ? Que cherches-tu ?
– À être moi. Et ce n’est pas aussi simple que ce que je veux bien laisser croire.
– Je suppose que je dois trouver cette réponse satisfaisante ?
– Tout ce que je te dirai de plus, c’est qu’on se ressemble beaucoup plus que tu ne l’imagines. Sur ce… Marion, me feras-tu l’honneur de me prendre pour mari, moi qui me contrefiche de ce que tu feras de tes jours comme de tes nuits et te soutiendrai quoi qu’il arrive ?”
Elle le fixait, l’esprit encore embrumé d’un millier de questions. Puis elle soupira et hocha la tête.
“Très bien, Nathanaël. Je te ferai cet honneur, si tu jures… croix de bois, croix de fer, comme lorsque nous étions enfants.
– Si je mens, je vais en enfer. On s’épargne le crachat ou tu veux vraiment la jouer rétro à ce point ?
– Je vais plutôt aller chercher des guimauves à rôtir au-dessus du feu.
– T’as raison, c’est plus ragoûtant.”
Le printemps qui avait suivi leur avait permis de fixer les moindres petits détails de leur accord et de débuter les préparatifs de leur mariage.
Et iels étaient désormais là, sous le soleil estival, s’embrassant devant tout le gratin, pour sceller un accord public et un pacte tacite.
Très vite, chacun trouva sa nouvelle place dans l’organigramme remanié de leur existence.
Et la suite fut douce, jusqu’à un certain point, en fait jusqu’à ce que le père de Nathanaël ne commence à poser la fâcheuse question de l’héritage familial.
Jusqu’à présent, le couple avait tenu bon, contre vents et marées, mais Richard avait profité de l’absence de son fils pour tenter d’impressionner sa belle-fille.
Acculée au cours d’une soirée de bienfaisance, le seul refuge de Marion se trouva dans l’isolement aux toilettes du luxueux lieu qui hébergeait l’événement.
Elle envoya un simple SMS à son époux, un SOS, par un code secret établi entre eux.
Elle ignorait où il se trouvait actuellement, il restait son dernier espoir.
Puis elle retourna vite auprès des autres convives, pour ne pas que son absence se fasse remarquer.
Son beau-père ne put cependant s’empêcher de l’interpeller.
“Vous voulez peut-être que nous discutions de votre amant, mademoiselle ?” demanda-t-il d’un ton condescendant à souhait.
Elle ressortit son téléphone de sa pochette, le déverrouilla et lui tendit.
Quelques regards curieux s’attardèrent sur cette scène.
L’homme ne sourcilla pas et se saisit du téléphone, observa qu’aucun appel n’avait été émis, mais qu’un SMS avait été envoyé à un numéro qu’il ne reconnaissait pas.
Il lut à haute voix, comme pour finir d’impliquer toutes les personnes autour d’eux.
“Mon époux est fort loin. Je crois que j’aimerais encore quelques guimauves rôties à la chaleur de l’âtre plutôt que le froid glacial d’une coupe de champagne versée avec le dédain du monde pour ma personne.”
Il marqua une pause et l’observa, elle ne cillait pas.
“Peut-être nous expliquerez-vous pour qui sont ces mots, très chère ?”
Elle eut un sourire narquois.
“Oh, mais, je vous en prie Richard, vous semblez détenir la réponse, pourquoi ne pas partager avec tout le monde votre petite théorie ?
– Ma foi, très bien. Je pense que vous avez feint des mois durant de n’avoir aucun intérêt pour mon fils et qu’en réalité vous êtes ravie d’avoir pris une part à l’aventure de notre fortune. Et que vous convolez en noce avec votre amant, plutôt qu’avec mon descendant, à travailler à faire perdurer mon nom.
– Exactement, je suis démasquée. Peut-être devriez vous, là, maintenant, tout de suite, appeler le numéro en question.”
Elle affichait un air très sûr d’elle qu’il ne lui connaissait pas et le doute germa dans son esprit.
Autour d’eux, des téléphones braqués filmaient la scène et les ainés s’interrogeaient.
“Eh bien Richard, qu’attendez-vous ? Vous ne voulez pas sauver l’honneur de votre fils ?
– Espèce de petite…”
Il s’emporta et appela le numéro.
Une sonnerie se fit entendre dans la salle.
Un bras se tendit vers le plafond, téléphone sonnant en main.
Un homme, encapuchonné approcha.
“Et il est ici, en plus ? Comment osez-vous venir…”
Il s’interrompit alors que l’autre avait dégagé son visage, révélant son identité.
“Voilà bien des insultes proférées éhontément à l’encontre de ma femme, père.”
Il le toisa un instant, puis s’approcha de Marion et l’enlaça, avant de reprendre pour la foule.
“Vous devriez tous avoir honte. Honte de ne pas avoir défendu mon épouse, honte d’être là à vous repaître d’un drame familial.
Mais c’est pour le mieux. Vous venez d’avoir la parfaite démonstration de pourquoi ma famille a besoin de celle que j’ai mariée : sans elle, la bêtise profonde des miens qui n’a de goût que pour le faste et les apparences emporterait notre empire tout entier. Elle est la clé de voûte de tout ce qui nous permet d’être ici, de vous accueillir et de faire vivre vos événements sans que vous n’ayez jamais à vous poser la moindre question. Sans Marion, rien de tout cela ne serait possible. Sans elle, nous finirions tous saouls, dans le caniveau, pauvres à pleurer. Que ce soir vous serve de leçon, particulièrement à vous, père, et que plus jamais quelqu’un n’ose remettre en question et n’ait autre chose que de la gratitude pour le douloureux sacrifice qu’opère mon aimée, à privilégier une carrière qui a pour but d’assurer que notre train de vie perdure, au prix du rôle de mère que tout le monde s’octroie le droit d’exiger d’elle. Et si je dois, ne serait-ce qu’une seule fois, annuler un seul de mes rendez-vous les plus lucratifs, pour venir vous rappeler cette évidence, sachez que nous prendrons ensemble, elle et moi, le parti de répudier nos familles et de vous laisser gérer seuls les conséquences de vos misérables actions. Des questions ? Non ? C’est ce qu’il me semblait. Maintenant, veuillez nous excuser, puisque vous avez insulté, au moins passivement, ma dame et que j’ai dû mettre fin à ma soirée, nous nous retirons. Père.”
Sur ce long discours, il offrit son bras à Marion, non sans avoir repris le téléphone de cette dernière des mains de Richard et ils quittèrent les lieux.
Plus personne ne remit jamais en question la loyauté de la jeune épouse, ni n’osa poser la question de la conception d’un héritier.
Toutefois, une autre affaire commença à occuper les langues de vipère.
Si le couple n’envisageait pas d’avoir d’enfants et si madame s’affairait jusqu’à tard le soir au bureau, qui pouvait bien répondre aux besoins naturels du jeune marié ? Après tous… Les hommes avaient des besoins.
Finalement, la rumeur d’une probable impuissance gagna les bruits de couloir des services de Marion.
Elle eut un rictus amusé. Iels étaient à des kilomètres de deviner de quoi il retournait réellement.
Il fallait leur montrer, sans leur montrer vraiment.
Tuer la rumeur, tout en les faisant grandir tous les deux.
Une idée jaillit dans son esprit.
Elle passa quelques coups de fils, envoya une invitation par SMS à trois personnes puis utilisa une adresse email inconnue de quiconque pour “pistonner” des paparazzi.
Est-ce que son plan fonctionnerait ? Elle le saurait bien assez vite.
Elle terminait la relecture d’un dossier majeure lorsque son assistante lui apporta son latte matinale, l’air visiblement préoccupé.
“Que se passe-t-il Chloé ?
– Je… hmmm… Il paraîtrait que votre époux…
– Cesse de marmonner et dis moi ce qu’il se passe, s’il te plait.
– Des… photographes… people…
– Des paparazzi pour des torchons, ok, continue
– Ont surpris votre époux en boîte hier soir, avec son ami de toujours, Luc, et Camille, vous savez, cette personne dont on ne sait pas si c’est euh…
– Cette personne non-binaire que vous voulez cataloguer homme ou femme et avec qui Nathanaël suit des cours de jet-ski, oui, et quoi ?
– Ils étaient avec… des… euh… danseuses ?
– Chloé…
– Madame ?
– Est-ce que vous êtes en train de me dire que tout le monde est en train de découvrir qu’un jeune époux de vingt-cinq ans qui a une femme très occupée s’adonne régulièrement à des sorties dans des clubs privés, accompagnés de ses proches amis, pour… s’amuser ? et que cela étonne ?”
La jeune assistante fit une moue, hocha la tête et reprit.
“C’est-à-dire que jusqu’alors, la rumeur croyait votre mari…
– Croyait mon mari quoi ? Grand homme fidèle qui se la collait derrière l’oreille selon l’expression consacrée, s’inscrivant en porte-à-faux de son père, largement connu pour ses frasques ?
– Quelque chose comme ça.
– Si seulement. On pourrait croire qu’à notre époque les gens seraient fidèles, mais j’imagine qu’il a le corps et la fortune qu’il faut pour faire tourner toutes les têtes. Autre chose de plus important à me rapporter ?
– Non… Pas vraiment madame.
– Alors je te laisse disposer. Merci quand même de m’avoir prévenue. Ce n’est pas contre toi, c’est juste que je m’étonne qu’on puisse s’imaginer cinq minutes que ce n’était pas le destin qui m’était promis depuis le début de cette histoire.
– Je comprends bien, madame. Vous avez mon soutien, vous êtes un exemple de dignité madame. Bonne journée, je reste à votre disposition comme toujours.
– Merci Chloé. Rappelle-moi de t’augmenter quand Richard aura appelé pour m’indemniser pour le scandale.
– Très bien, madame.”
Elle quitta la pièce en souriant. Du coin de l’œil, Marion nota qu’elle avait reçu un SMS.
“Mon trouple te remercie chaleureusement, super coup de com’ !”
Elle répondit, amusée :
“Je te préviens, tu auras le droit à un esclandre quand nous nous croiserons, mon honneur bafoué et compagnie.”
Elle sourit pour elle-même : qui aurait pu deviner qu’une jeune héritière fortunée asexuelle vivrait sa meilleure vie mariée à un jeune héritier biromantique; peut-être que finalement, iels étaient bel et bien une étoile double…