Avant d’attaquer cet article qui va encore me permettre de nouer de très nombreuses nouvelles amitiés littéraires (non), je tiens à vous souhaiter une excellente année 2024 !
Comme en 2023 vous avez décidé de vous intéresser principalement à mes articles plutôt agressifs, j’ai décidé d’ouvrir l’année sur un sujet brûlant : les genres littéraires.
On en avait déjà parlé un peu dans ma review d’Evana et mon petit papier sur le contemplatif, mais depuis quelques jours je lis quelque chose qui m’horrifie régulièrement « ouais, moi j’écris du roman d’action ».
UN ROMAN DE QUOI ???
Le roman d’action, un mythe littéraire classiciste.
Il faut que je commence par donner un peu de contexte à mon bashing de la semaine.
Ces dernières semaines, j’ai migré sur Threads, comme beaucoup de monde et je ne le regrette pas, j’ai eu l’occasion d’y découvrir plein d’artistes et de promouvoir mon projet Spiders Hunters après y avoir obtenu l’autorisation de Neil – the King of Mythology – Gaiman. [EDIT: ça a mal vieilli en peu de temps… le projet est toujours d’actualité et le livre aura une référence claire à la chute du roi… brûlez vos idoles…]
J’ai le plaisir d’y échanger avec des auteurices avec plus ou moins d’expérience et d’y découvrir des routines, des techniques, des visions différentes ce qui est très cool.
Ce qui l’est beaucoup moins, c’est de constater qu’en laissant 2023 derrière nous, on a quand même emporté dans nos bagages du bullshit.
Je passe sur le débat « papier vs numérique » (ça fera l’objet d’un article après avoir parlé des genres en long, large et travers) et j’en viens directement à l’étape des jeunes (pas en âge, en expérience et ça justifie une partie de la réponse) auteurices qui viennent demander des conseils sur comment vendre leur livre et qui répondent, quand on leur demande le genre littéraire dudit livre « ben c’est un roman d’action ».
ON RESPIRE
El monstro de la chronique n’a pas craqué sur Threads, je vous jure que c’est un miracle en soi.
Le roman d’action, ça n’existe pas.
Déjà parce que si c’était un genre littéraire, ça engloberait 80% des productions, du coup la pertinence du genre serait aussi grande que l’avis de Macron sur l’affaire Depardieu.
Ensuite parce que du coup ce serait quoi un roman de non action ?
Un roman que tu as réussi à écrire sans le moindre verbe d’action dedans ?
Ce serait pas un méga genre de niche ça ?
Plus sérieusement, je vais te dire ce qu’est le roman d’action : c’est un genre littéraire fictif qui sert à distinguer la « grande littérature » (notamment celle issue du classisme) de la littérature consommée par le bas peuple.
C’est du même acabit que la théorie selon laquelle les romans graphiques, BD et autres mangas ne constitueraient pas de « véritables lectures », les excluants des genres littéraires officiels.
Du coup, tu veux toujours revendiquer que tu écris du roman d’action, ou tu commences par la base et on étudie les genres littéraires (dans les grandes lignes, chaque genre aura son propre article par la suite) ?
Les genres littéraires : des clans et des familles recomposées.
Non, je n’avais pas de meilleure métaphore pour parler de la classification la plus délicate, exigeante et pourtant confuse du monde.
Déterminer le genre littéraire d’un livre peut être un challenge en soit.
Pour que ça soit un peu plus évident, on va déjà parler des clans.
Premier clan genre littéraire : le genre poétique.
A priori, tout le monde se doute d’à quoi ressemble ce clan là.
On y retrouve différentes familles, comme les ballades, les fables, les poèmes et autres pastourelles.
Deuxième clan genre littéraire : le genre narratif.
C’est globalement le clan genre le plus répandu, puisque c’est celui des romans, mais aussi de la nano-littérature (mais si, tu connais, ce sont les micronouvelles, la « Twittérature », etc.).
Troisième clan genre littéraire : le genre théâtral.
Idem, je ne pense pas avoir besoin de trop disserter sur le contenu de ce clan, on y retrouve des tragédies, comédies, tragicomédies, farces, drames…
Quatrième clan genre littéraire : le genre épistolaire.
Probablement le moins répandu sur un plan contemporain, il s’agit des récits basés sur des correspondances, parfois réelles, comme les lettres de Madame de Sévigné, parfois fictives.
On y inclut l’épître, proche de l’essai philosophique, mais plus court.
Et en parlant d’essais…
Cinquième clan genre littéraire : le genre argumentatif.
Tout est dans le nom, il s’agit d’argumenter, donc d’apporter des éléments de réponse, plus ou moins documentés, à une question de société, de morale, etc.
On y retrouve des essais, des pamphlets, des sermons…
Sixième clan genre littéraire : le genre descriptif.
Un cousin du genre argumentatif, d’autant plus sur le déclin que sa proximité avec le romantisme font des œuvres publiées des enfants du narratif plus que de ce genre.
Septième clan genre littéraire : le genre graphique.
Dans ce clan un peu fourre tout, on va évidemment retrouver la BD au sens usuel du terme, mais aussi des romans graphiques, d’amour ou policier.
En sus de ces 7 grandes familles, on trouve aussi les « formes brèves » (qui incluent les proverbes, les devises, etc), les « expérimentaux » (ce truc qu’on appelle trop souvent « OLNI » pour Objet Littéraire Non Identifié, alors que ça a un nom) et les désormais « formes numériques » (qui incluent la nano-littérature, mais aussi les blogs, les fanfictions et autres creepypastas).
Maintenant qu’on a posé la liste des clans, revenons à notre question de base : ce serait quoi un « roman d’action » ?
Parce que si je définis mon livre ainsi, je peux le ranger en narratif et en graphique par exemple.
Ah bah oui, si je précise pas, rien ne te confère la certitude que je ne te parle pas d’un super comic à la Marvel.
Bon et en réalité, plus probablement, une personne qui dit qu’elle a écrit un roman « d’action » veut probablement parler d’un « roman d’aventures ».
Le roman d’aventure : un genre littéraire aux racines discriminatoires
Quoiii ? Mais du roman d’aventure, on en lit super souvent en plus ?!
Si on s’en tient à sa définition première oui, dans les détails, pas du tout et c’est (encore) une profonde histoire de mépris classiciste.
« Le roman d’aventures est un type de roman populaire qui met particulièrement l’accent sur l’action en multipliant les péripéties plutôt violentes, dans lequel le héros est plutôt jeune, en général positif, et où le souci de la forme littéraire est relativement peu important. »
~ Wikipédia
Si on s’arrête aux deux tiers de la définition, presque tout ce que l’on peut trouver pour « jeunes adultes » relève du roman d’aventure.
Si on pousse plus loin, ça change tout.
Le roman d’aventure est réputé avoir un style quasiment bâclé.
On va y retrouver beaucoup (trop ?) de personnages différents, clichés, avec peu de profondeur et de développement.
Cette définition, barbare et clairement classiciste du genre, est la raison pour laquelle si tu écris un livre avec un personnage principal pris dans une aventure dangereuse, avec peu de personnages secondaires, tous très bien construits, on va aller te classer en fantasy ou en fantastique, mais pas en aventure, parce que « quand même les personnages sont élaborés ».
Le roman d’action d’aventure, finalement un cousin germain du livre de gare.
J’avais parlé du livre de gare et des critiques qu’il subissait dans mon article sur les mythes absurdes autour de l’écriture et il faut bien reconnaître que le fond est globalement similaire : dans tous les cas on serait sur un livre écrit à la va-vite, un truc de débutant, de flemmard, bref, pas de « vraie plume », encore moins le travail d’auteurices digne de la Littérature (avec un L majuscule, comme pour les Loosers qui ne semblent pouvoir vivre qu’en méprisant les autres).
Tu vas me dire « ouais, ben en attendant, je réponds quoi, moi, si on me demande le genre du roman que je suis en train d’écrire ? ».
Franchement, soit tu te poses sérieusement la question en fouillant les genres et sous-genres, soit tu réponds sincèrement que tu ne t’es pas encore posé la question, mais que tu peux présenter l’histoire en quelques mots et tu lâches ton meilleur pitch.
Et sincèrement… je suis bien plus fan de la seconde méthode, parce qu’il existe tellement de gens qui refusent, par principe (absurde, qui plus est) de lire un genre à cause des clichés qui l’accompagnent (coucou la romance et le feel good soi-disant girly et gnian gnian) que décrire l’univers plutôt que révéler le genre du livre est peut-être la meilleure façon de « catégoriser » son livre, sans exclure involontairement du lectorat.
En tout cas, nous reviendrons sur chaque genre clan prochainement, notamment les sous-genres et les différences subtiles qui peuvent les caractériser (coucou la fantasy et le fantastique qui n’existent d’ailleurs pas dans tous les pays…).
Et toi ?
C’est quoi ta plus grande bataille avec le genre littéraire (et ses clichés) ?