Le sens politique des mots est extrêmement important et en ce mois des fiertés, il me semblait vital de revenir sur certains contenus viraux qui me posent un gros problème.
Tu as peut-être vu tourner des vidéos, plutôt viral, d’un homme mecspliquant que le débat autour des termes homophobie, transphobie et -phobie de manière générale dès lors que l’on parle d’être humain, selon lequel le mot désignerait plutôt une peur qu’une haine, est un faux débat car l’usage du dictionnaire prévaut et que celui-ci décrit bien une haine…
Cette vidéo me pose deux énormes problèmes que je voudrais explorer avec toi durant ce mois des fiertés.
1/ Le sens du dictionnaire ne fait pas le sens commun.
« Si, le dictionnaire fait loi, c’est quoi cet argument éclaté !!! »
D’accord, donc donne moi la définition de « chafouine », dans « il faisait une mine chafouine ».
Et si tu as naturellement répondu « ben triste, évidemment », merci de me donner raison.
Remontons le temps pour une de mes chansons préférée, Le Chat des Pow Wow.
« Prendre des mines chafouines, me lécher les babines quand viennent tes copines ».
Tu crois qu’il est triste là ?
Non, il a une mine sournoise et rusée.
C’est ça, la définition de « chafouine ».
Et pourtant, dans le temps, parce que notre langue est vivante et que tout le monde se torche avec le dictionnaire, « chafouine » a pris le sens de « tristoune ».
Donc justifier de l’usage de « homophobie » comme « haine des personnes homosexuelles » parce que « ouais ben c’est ce que dit le dictionnaire »… comment te dire…
« Alors du coup on en revient à dire que c’est la peur des personnes homosexuelles ? Parce que c’est un peu facile de dire qu’on a une peur viscérale des homos…. »
Et… non, parce que ça n’est toujours pas le sens du mot et c’est là qu’est mon deuxième problème avec ce discours.
2/ Le sens politique est volontairement passé sous silence.
En dépit de ce que l’on pourrait déduire de leur construction, les termes en « -phobie », s’agissant des humains, ne désignent pas la phobie de… mais la phobie d’être pris pour…
Ces termes, inventés par l’extrême droite, servaient à décrire leur peur d’être pris pour des personnes homosexuelles, trans, etc., à tort.
Et si tu te dis « ouais, mais c’était avant »… Ben je te rappelle que c’est exactement le fond de la plainte de Brigitte Macron pour diffamation.
Quand une partie de l’extrême droite (qui n’a pas pigé que Macron était clairement un allié) a décidé de vendre le complot selon lequel Brigitte Macron serait en fait son frère, Jean-Michel Trogneux, la première dame a rapidement crié à la transphobie.
Et une grande partie de la sphère LGBTQIA+ s’était étonnée que ça puisse être de la transphobie et d’une plainte en diffamation comme si être prise pour une personne trans était une atteinte à l’honneur.
Et il se trouve que c’est bel et bien le sens politique et le sens originel de « transphobie », la peur d’être prise pour une personne trans.
Mais alors… comment on fait si les mots que l’on emploie pour parler des discriminations et haines à notre encontre sont ceux de l’extrême droite pour en justifier ?
On pourrait tout simplement former les bons mots.
Les termes à y préférer, étymologiquement et politiquement cohérents.
Comment appelle-t-on la discrimination des personnes handis ?
Pas l’handiphobie, qui suit exactement le même schéma de construction que les autres.
Non, on privilégie « validisme ».
Pourquoi ?
Parce que le validisme, en « -isme » désigne une discrimination systémique en faveur des personnes valides.
On préférera parler de racisme à parler de xénophobie qui désigne la peur d’une personne d’être prise pour une étrangère.
Parce que le racisme, en « -isme » désigne la discrimination systémique en faveur d’une soi-disant race légitime sur un territoire donné.
De cette manière, au lieu de vouloir absolument diviser les LGBTQIA+ « -phobies » entre elles, contribuant au jeu de l’extrême droite de nous diviser pour mieux nous détruire, on pourrait préférer les termes hétéronormativisme et cisgenrisme.
L’hétéronormativisme désignerait ainsi la discrimination systémique en faveur des personnes hétéronormées (donc hétérosexuelles, monogames, balayant donc tout le spectre restant, ace compris).
Le cisgenrisme désignerait ainsi la discrimination systémique en faveur des personnes des personnes perçues cisgenres (et on a un bon aperçu de ce que ça donne actuellement aux USA).
De cette manière, le sens politique des termes homophobie, transphobie, xénophobie, handiphobie, etc, redevient le sens originel qui est de toute manière celui que l’extrême droite emploie encore aujourd’hui et nous disposons de mots au sens cohérent avec nos dénonciations et nos luttes, réduisant les risques de nous diviser (et facilitant le tri parmi les personnes queer intolérantes, car ayant trop intériorisées durant leur parcours).
Et toi ? Qu’en penses-tu ? Dis moi en commentaire si tu connaissais le sens politique originel de ce terme et si tu comptes en changer; si oui, pour quels termes ?