Jeux olympiques et paralympiques : séparer le bon grain de l’ivraie avec les validistes

TW Validisme (en même temps, c’était évident dans le titre, a priori)

Je sais ce que vous vous dites : ça y est, on atteint le stade où Ju’ balance carrément le sarcasme dans le titre, iel n’a même plus le temps d’attendre le début de l’article et sincèrement, vous avez parfaitement raison, je n’ai plus le temps, NOUS n’avons plus le temps.

Nous n’avons plus le temps d’accepter encore des représentations claquées du handicap, nous n’avons plus le temps d’expliquer à la gauche que ça serait bien qu’un jour elle se réveille sur la question du handicap, je n’ai plus, personnellement, la patience d’expliquer pourquoi l’intersectionnalité c’est de droite (bon, j’ai quand même un papier en cours d’écriture sur le sujet, parce que je pense qu’il faut expliquer l’histoire des luttes et pourquoi il existe une différence entre intersectionnalité et convergence des luttes), bref, “pas le temps de niaiser” comme dirait nos adelphes de Québec.

Pourquoi je fais un article salé sur un sujet qui rend habituellement les gens heureux ? Parce que j’ai eu le malheur d’écrire sur Threads que les jeux paralympiques, c’est comme le Téléthon, un truc bien validiste qui ne sert qu’à prétendre qu’on s’intéresse au handicap, mais quand même pas au point de laisser ensemble le bon grain et l’ivraie; bah non, Monique a le droit de trouver normal de poser 2 semaines de congés pour mater les combats de Riner et ensuite de vaguement suivre les paralympiques pour y voir des superhéros.

Oui, j’ai écrit superhéros et si ça vous choque tant mieux, faut quand même que je donne le contexte, à savoir une interview avec une réponse claquée de Riner et Pérec que vous pouvez retrouver ici (timecode inclus, préparez vos sacs à vomis) :

[Riner] : Nous, les jeux olympiques, c’est quelque chose, on a fait quelque chose de grandiose, on est tous très contents, mais alors eux, c’est juste extraordinaire, c’est eux les vrais champions, ça va commencer pour eux, va falloir donner de la force.

[Pérec] : Ce que les gens ne comprennent pas, c’est qu’en fait, nous on regarde les para-athlètes en disant que ce sont nos héros.

[Riner] : Bien sûr.

[Pérec] : Parce que nous on sait ce que c’est que de s’entraîner de tous les jours…

[Riner (qui ne sait manifestement pas laisser une personne afab parler sans intervenir avant la fin)] : Mais alors avec un handicap

[Pérec (qui se fait couper l’herbe validiste sous le pied)] : ben… exactement.

[Riner] : C’est des superhéros

(nb : j’avais prévenu pour le sac à vomis)

[Pérec (qui voulait vraiment de cette herbe validiste)] : Donc pour nous, ce sont les Avengers.

Gardez bien toute cette réponse surréaliste de validisme en tête, promis, on y revient.

Donc, comme la personne qui a presque foi en l’humanité que je suis, je poste sur Threads que la séparation JO / JP, ben c’est validiste as fuck.

Et j’ai 3 réactions, dont 2 que je pouvais préshot, la troisième va vous surprendre (ou pas, si vous avez un peu moins foi en l’humanité que moi) : 

  • des handis qui sont d’accord
  • des droitards qui sont pas d’accord
  • des Kristine qui sont de gauche, souvent NPA, très souvent intersectionnelles, donc des Karen qui s’ignorent.

L’échange que j’ai eu avec Kristine est violent, mais je pense qu’il est nécessaire que je vous l’expose car je pense qu’il représente aussi bien le validisme ordinaire que la gauche laisse vivre, que les fondements de ce qui fait que les jeux paralympiques existent, sous leur forme actuelle, hyper problématique.

Donc, Kristine me dit (je résume, ça tenait un post entier) qu’elle est valide et qu’elle pense que quand on parle des paralympiques et donc d’handisport et d’handicap, il vaut mieux laisser les personnes concernées s’exprimer.

Comme je suis d’accord et que j’aime bien prendre les gens à leur propre jeu, je lui réponds que je suis plutôt d’accord avec son point de vue et que du coup, je saisis mal l’intérêt de sa réponse.

A ce stade, une personne qui n’est pas profondément validiste va probablement réaliser que la première erreur de la discussion consiste à… avoir présumé du fait que je sois valide.

Mais Kristine n’a pas cette idée, à la place, elle va me répondre quelque chose d’assez troublant quand on sait que ça fait probablement 10 ans qu’on vous rabâche de cesser de faire des comparaisons avec d’autres oppressions pour savoir si une posture est validiste ou pas : 

“Je suis franco-tunisienne et quand je vous vois donner votre avis sur les paralympiques, je vous vois comme les hommes qui décident qu’ils savent si les femmes doivent porter le voile ou pas.”

Je vous avoue, ça m’a pris un peu de court, pour plusieurs raisons, la première c’est que donc, vraiment, à aucun moment elle n’envisage que je suis handi, ensuite littéralement elle décrit donc sa propre posture et finalement, elle n’envisage pas non plus que je sois une personne racisée et que sa réponse constitue une double violence à mon encontre.

J’ai donc été moins sympathique dans ma réponse, en lui disant que je suis parfaitement d’accord avec le fait que les valides qui parlent à la place des handis sont comme les hommes qui entendent contrôler le corps des femmes et que c’est donc étonnant qu’elle campe sa position.

Encore une fois, à ce stade, n’importe qui de bonne foi se rend compte qu’elle a présumé de mon état.

Eh ben non, elle boucle sur le fait que ce soit moi qui sois en train de dire aux handis quoi penser, alors que je le rappelle, de base j’adresse la posture du validisme, mais à ce stade, nous ne sommes pas à une connerie près.

Je dévoile donc le twist : je suis handi et j’ai pratiqué la natation en club avec un coach spécialisé, pendant 16 ans.

Oups.

Et à ce stade, le faux débat a pris fin.

AHHAHAHAHAAHAHA

A CE STADE, ELLE ME SORT LE TOKEN D’IMMUNITÉ (j’ai précisé qu’elle se revendique intersectionnelle, c’est pas censé vous surprendre, du coup)

Elle est pas validiste, depuis le départ elle nie toute possibilité que je sois handicapé·e, elle me compare aux mecs qui veulent contrôler le corps des femmes (et qui globalement sont des criminels, c’est toujours pas validiste d’associer criminalité et handicap) MAIS CA VA, ELLE EST AUTISTE EN COURS DE DIAG.

Et qu’on soit bien clairs : le souci c’est pas qu’elle soit en cours de diag, c’est qu’à partir du moment où tu suspectes que tu as un handicap et que tu as entamé un parcours de diag, a priori tu t’es un minimum renseignée sur ton propre handicap et sur le handicap en général et on va pas se mentir, si c’est pas le cas, alors tu as un niveau certain de privilège et faut vraiment arrêter de te dire de gauche et intersectionnelle.

Bref, ma sœur en Christ (oui j’ai adopté l’expression, faites avec), t’es une handi qui lutte pour se faire reconnaître et t’es en train de dire aux handis concerné·e·s de fermer leur gueule, tu te rends compte de ton validisme intériorisé ou pas ?

Ou pas, parce que c’est le problème de la gauche en France (oui, je parle de toi la gauche, qui est comme le reste du paysage politique sur la thématique du handicap : absente de la lutte antivalidiste), le validisme, on ne l’adresse que pour une chose, dire que “ce sont juste des mots”.

La dernière fois que quelqu’un a fait un truc qui soit un semblant antivalidiste, c’est Coluche, dans son affiche de candidat, quand il met à la même hauteur les pédés et les fous, et normalement on est censés être d’accord pour dire que mettre ensemble une insulte réappropriée et une condition, c’est déjà pas la panacée… donc que ça soit ce qui illustre le mieux l’antivalidisme en un siècle… Bref.

Revenons à Kristine qui se dit que c’est un argument léger (oui) et qui m’enchaîne en disant que de toute façon, les vrais concernés (ça commence à sentir la daube du cul) sont contents de la séparation.

On a donc atteint le point où les vrais concernés se cantonnent aux athlètes paralympiens, ce n’est plus du cherry picking à ce stade, on est sur la cueillette d’une cerise d’or… ou de la médaille de la mauvaise foi.

Mais l’intervention de Kristine résume parfaitement bien la vision du handicap en France : vos gueules les valides, la parole aux bons handis, aux vrais handis, qui par un hasard foudroyant, sont parfaitement d’accord avec les valides.

Alors mythe ou vérité : les paralympiques servent à mettre les handis en valeur et en lumière et il serait impossible d’organiser l’ensemble des compétitions simultanément ?

Pour répondre à la question, j’ai été faire un tour du côté des personnes vraiment concernées d’après les validistes : les athlètes handis qui s’expriment sur le fait que l’inclusion par le sport reste une illusion pour les personnes handicapées.

Et vous savez quoi : les athèles handis sont parfaitement d’accord pour dire que les paralympiques sont une vaste blague, parce qu’ils consistent littéralement à faire vivre le concept du vrai handi (quelle surprise, j’espère que vous aussi, les bras vous en tombent) et en aucun cas ne contribuent à rendre le sport plus accessible à toustes.

Et c’est fascinant, parce que comme le rappelle Franck Brusset dans son excellente vidéo sur l’injustice qui a frappé de plein fouet Imane Khelif (à voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=Y-RHi7JrJtI), le mot clé que les gens qui défendent les jeux olympiques (et les compétitions sportives de haut niveau, en général) invoquent à tout va, c’est l’équité.

Donc les validistes de tout bois, qui expliquent que quand même faut bien mettre les handis à part pour qu’iels puissent briller (sic) invoquent… l’équité.

Mais dis-moi Jamy Julie, c’est quoi, déjà l’équité ?

10 ans que j’en parle et que ça me permet de trier les validistes du reste du monde, l’équité, c’est la diagonalisation des moyens et le truc que vous invoquez tantôt à la place de la justice, tantôt à la place de l’égalité, alors que c’est la fusion des deux

Alors on va reprendre les bases, calmement.

Dans une société où les moyens sont soit horizontaux (on traite tout le monde de la même façon), c’est à dire “justes”, soit verticaux (on traite tout le monde au regard de sa situation personnelle et uniquement sa situation personnelle), c’est à dire “égaux”, on doit pratiquer une diagonalisation des moyens et recourir à l’équitable, une solution où on met en œuvre à la fois des moyens justes et des traitements égaux.

Et comme la théorie c’est chiant à comprendre, ceci est la raison pour laquelle on parle du devoir de procès équitable.

Un procès équitable, c’est un procès où tout le monde est jugé au regard de la loi, donc de manière juste et en ayant accès à une défense quels que soient les moyens personnels, le défendeur pouvant produire des éléments constituant des circonstances atténuantes (le demandeur pouvant, avec le même droit à un traitement égalitaire, avoir un conseil pris en charge financièrement au besoin et la possibilité de produire des éléments constituant des circonstances aggravantes).

Si l’un des deux éléments est absent, il y a matière à constitution de recours, notamment pour défaut de traitement équitable, ou pour vice de forme, de procédure, etc etc.

(oui, la Justice est malnommée, oui les procès ne sont plus tant équitables, à qui la faute sinon en premier lieu aux gens qui luttent jour après jour pour redéfinir l’équité)

“Ju’, je crois que tu as TDAHé, on parlait des paralympiques”

Ben justement : à quel moment, parler d’équité pour défendre l’existence des paralympiques séparément des olympiques est cohérent ?

Comme Kristine et ses copaines en papier mâché m’avait soutenu mordicus qu’il est impossible d’organiser les deux en même temps (ce à quoi j’avais répondu qu’on peut parler de jeux olympiques pour la totalité de la compétition et enchaîner les événements, en attendant d’adapter la logistique) je me suis renseigné·e sur qui disait vraiment ça et… c’est le comité d’organisation.

Oui, encore une fois, les bras nous en tombent, les gens qui ont des raisons financières et politiques de vouloir l’existence d’une séparation sont pour la séparation, ouaaaah.

Et les autres alors ?

Sans surprise, les organisations qui luttent pour l’accessibilité du handisport et le principal comité d’inclusion sont contre parce que… l’excuse logistique est totalement fausse, il est parfaitement possible de conduire les deux événements en même temps.

Il serait par exemple possible de conduire les épreuves de sport des valides le matin et des handis l’après-midi pour les cas où une adaptation doit être mise en place, sachant que ça ne concerne qu’une minorité d’épreuve; au risque de choquer les valides qui m’ont dit que c’est le cas pour tous les sports, les méchants handis qui courent le 100 mètres le font sur la même piste que vous chouchou valides, j’espère que vous vous en remettrez… ou pas.

Mais si la question de la logistique est bidon, alors pourquoi diable s’empêche-t-on de réunir les événements ?

La réponse se trouve dans la vidéo susmentionnée de Franck Brusset : les catégorisations.

En marge de la réponse de Kristine, des droitards ont eu envie de prendre mon attaque de la séparation des JO / JP pour une volonté de faire s’affronter tous les athlètes, à grand renfort de “tu veux que Teddy Riner affronte au judo un amputé des deux jambes, lol ?”

Je veux que les gens s’affrontent réellement par catégorie.

Tu es athlète du 100m ? Tu concours au 100m.

Tu es athlète de tennis de table, tu concours au tennis de table.

Ah ben oui mais non.

Mais pourquoi donc ?

Ben Teddy Riner et Marie-José Pérec vous l’ont dit, parbleu : nous sommes des superhéros, des avengers, avec des super-prothèses et des super-cerveaux !

Et si en affrontant des handis, les valides perdaient ?

Cela vous semble idiot ?

Pourtant si les femmes ont été exclues un moment des jeux olympiques, c’est parce qu’avant qu’on invente les épreuves non mixtes, elles ont eu le mauvais goût de battre des hommes dans des sports réputés masculins.

Les sports physiques ont déjà des classifications par poids, dire qu’il faut séparer les handis des valides, c’est dire qu’un kilo de plomb est plus lourd qu’un kilo de plumes.

Vous maintenez que ça n’a rien à voir, c’est normal que les handis soient séparés, c’est pour les faire concourir dans les meilleures situations par rapport à leur handicap ? J’ai deux questions pour vous.

1/ c’est quoi l’adaptation dont ont besoin nos athlètes handis de tennis de table par rapport aux valides ? spoiler alert : il n’y en a pas, les conditions de jeu sont similaires 

2/ du coup, c’est toujours pas une question de validisme et de “vrai handi” si les paralympiques excluent… les malentendants ?

Comment ? Vous n’en aviez jamais entendu parler (auto badam tssum) ? Bah c’est bien connu, les troubles de l’audition ne sont pas un vrai handicap.

Pour concourir aux paralympiques, il faut un vrai handicap, donc même si les athlètes sont totalement sourds, ils doivent avoir un autre handicap complémentaire pour concourir.

Sinon, il y a les deaflympics.

Et que sont les deaflympics ?

Des jeux olympiques des malentendants que personne ne suit puisque franchement, en dehors des proches des athlètes malentendants qui y vont, personne ne sait que ça existe et côté médiatisation…

Et vous savez quelle est la différence entre les deaflympics et les autres en matière d’organisation ?

La présence de traducteurices en langue des signes.

Et là vous êtes en train de comprendre que si on ne prend pas les personnes atteintes uniquement d’un trouble de l’audition aux paralympiques, c’est parce qu’on est tellement validiste qu’on a jamais pensé au fait qu’il fallait des personnes aptes à traduire.

Bon et c’est aussi parce que historiquement, les paralympiques… comme l’avoue sans le savoir Pérec, c’est pour les para-athlètes, c’est à dire les athlètes paraplégiques (et pas les handi-ahtlètes, diantre, les mots auraient leur importance ???).
Vous vous souvenez de ce super terrible spot de la MAIF, l’assureur “militant”, qui parle du respect des handis dans une publicité validiste ?
Allez, je vous le remets : 

La MAIF, assureur militant pour les handis PMR, mais seulement si ça implique un fauteuil, les autres PMR allez vous faire voir, vous n’existez pas.
Et on pourrait penser que c’est anecdotique, sauf que la MAIF, à l’époque, n’assurait que les enseignants et niveau milieu enseignant, qu’on parle du secondaire ou du supérieur, on en reparlera, mais la reconnaissance du handicap dépend globalement du sens du vent et de combien de valides incompétents sont disponibles avant nos adelphes (mais vraiment j’en ferai un article à part, sur l’enseignement).

Donc voilà, dans l’esprit du lambda, une personne handicapée, c’est avant tout une personne qui est en fauteuil roulant.

Et donc, les paralympiques, dans leur forme actuelle, sont encensés par les gens qui y voient une première forme d’inclusion renforcée, parce qu’on ne s’arrête plus aux para-athlètes.

Sauf que… historiquement c’est faux.

Apparemment tout le monde a littéralement oublié ce que sont les jeux olympiques à la base : des jeux pour toustes ?

Toustes, non, car une bande d’irréductibles gaulois les professionnel·le·s ne pouvaient pas y concourir.

Hé oui, à la base, les jeux olympiques, ce sont des épreuves entre amateurices, avoue que ça t’en bouche un coin, Maurice ?

Et historiquement, on ne se prend pas tellement le chou sur comment organiser des épreuves.

Tu as envie de montrer que tu es un monstre sur du 100m ? Ben que tu sois valide ou pas, que tu aies fait le plein de testo ou pas, let’s go, tu participes.

“Ouais mais Ju’, les catégorisations, ça a au moins permis de limiter la triche”

AHAHAHAHAHAHA 

(punaise à force de rire jaune à longueur de temps, je vais me transformer en citron)

C’est bien connu, réserver les jeux aux pros , qui reçoivent des bonus en fonction de combien de médailles iels rapportent, ça exclut toute triche.

C’est vrai qu’on n’a jamais entendu parler de dopage.

Et qu’on n’a jamais vu des valides se faire passer pour handis (pas vrai les espagnols ?)

En fait, s’il y a bien un héritage que les paralympiques peuvent revendiquer, c’est celui de venir d’une forme de parasitisme.

Les jeux étaient pour les amateurices, jusqu’à ce que les pros les parasites, ça porte même un nom, “l’amateurisme marron”, qui consistait à voir des pros concourir parmi les amateurices sous couvert de le faire dans une discipline qui n’étaient pas la leur, parce qu’il est évident que les boxeurses n’avaient AUCUN avantage à la course d’endurance face aux lambdas, c’est même bien connu que les boxeurses n’ont jamais fait autre chose que taper dans des sacs dans leur routine d’entraînement (tousse en mauvaise foi).

Et ces problèmes de parasitisme et d’invocation frauduleuse de l’équité vont avec une critique que les athlètes des paralympiques n’hésitent pas à soulever, comme je l’ai fait sur Threads : quid de la soi-disant mise en lumière des handisports ?

Si tout ça, toute cette démagogie ambiante avait en réalité le but noble de renforcer l’accessibilité à l’handisport, on pourrait presque fermer nos gueules (presque, parce qu’avoir raison sur de mauvais arguments ce n’est toujours pas être dans le vrai).

Alors on va jouer à un jeu : tournez une roue du handicap (comme les espagnols, ouais je vous épargne pas, mon sang espagnol bout à chaque fois que je parle handisport à cause de vous) et ensuite, trouvez le club handisport (ou club de sport classique handifriendly) le plus proche de chez vous, qui puisse vous entraîner pour un niveau professionnel.

Allez-y, j’ai posé mes congés, on a tout le temps de trouver ensemble, pour tous les handicaps de la roue, je ne suis pas pressé·e.

Puis quand vous aurez trouvé, renseignez vous sur le prix du matériel dont vous avez besoin et sur l’absence de financement des matériels du club qui font que côté accessibilité financière, on est toujours au même stade.

Et quand je dis handifriendly, ça inclut que le club soit joignable autrement que par téléphone (ah oui, on en perd d’un coup).

Au fait, en dehors des paralympiques, c’est quoi le dernier événement handisport que vous avez suivi ?

Non parce qu’on vient de dire aux athlètes avec un trouble de l’audition de voir ailleurs si on y était pour organiser des jeux pour les personnes avec des vrais handicaps, pour mieux mettre en lumière les handis dans le sport, donc forcément, tout le monde regarde le handisport tout le temps, comme un sport normal ?

Comment ?

Cela ne passe toujours pas autant à la télé, c’est déjà bien qu’on ait le sport féminin, on va pas avoir le sport handi en plus ?

Vous savez ce qu’est le plus drôle ?

La compétition sportive impliquant des handis, la plus suivie après les paralympiques, c’est un mondial de cyclisme.

Sa particularité ?

On ne fait pas un “mondial du cyclisme” suivi d’un “mondial du paracyclisme” et même que les épreuves valides et handis s’enchaînent sans que l’apocalypse ne se produise !!!

Tout ça pour dire que, quoi qu’en disent les gens à l’origine, oui, la séparation olympiques / paralympiques poursuit le même but que le Téléthon, faire de l’handiwashing, en faisant taire les organisations qui dénoncent cette réalité, tout en prétendant œuvrer pour la même chose que les olympiques.

La différence majeure, c’est que tous les enfants valides du monde ont une chance de suivre le chemin de Simone Biles (qui ne concourt pas en handisport, parce que les TND ne sont pas des handicaps, nous neuroA ne sommes que des fainéants, c’est d’ailleurs pour ça qu’on lui a reproché sa pause pour sa santé mentale), mais par contre, les enfants handis doivent comprendre que leurs idoles sont des avengers, qui gagnent à renfort d’une technologie qui est réservée à une élite et intégrer que c’est normal et qu’iels ont déjà bien de la chance de les voir dans une olympiade bien à part, plutôt que pas les voir tout court (et une pensée à toutes les personnes qui râlent sur la représentation des minorités à la télé, c’est vrai que c’est un super message là).

Et ça vous suffit pas à trouver ça problématique ?

Bah alors on va parler du fait que quand je dis “tous les enfants du monde”, je veux surtout dire “les enfants des pays riches”.

“Olalala, mais faut arrêter, les olympiades c’est pour tout le monde”

Alors Josiane, tu vas te faire un thé à la pisse de droitards (oui j’ai les pires punchlines, vos gueules) puis tu vas méditer sur le tableau des médailles par pays et te demander pourquoi des athlètes de certains pays migrent pour pouvoir s’entraîner, s’il n’y a pas de lien entre l’économie d’un pays et la qualité d’un entraînement.

Et si on en est déjà à refuser de voir que oui, un pays riche a des athlètes d’un niveau probablement supérieur, on ne peut pas se dire qu’au sein d’un même pays, les athlètes valides ont un niveau probablement supérieur parce que plus les moyens vu qu’il n’y a pas de coûts d’adaptation.

Alors oui, le comité paralympique est composé d’athlètes handis. Oui la présidente actuelle est pour la continuité de séparation et en même temps, à quel point est-elle concernée par les questions qui touchent les minorités dans la minorité du handicap ?

Et surtout, à quel point sa voix compte-t-elle davantage que celles portées par le collectif Clhee, qui s’interroge et est formé à s’interroger sur les questions d’antivalidisme ?

Cela fait des décennies que nous luttons contre des termes comme “differently abled” pour remplacer “disabled”, contre la notion de “handicap invisible”, contre les “superpouvoirs du handicap” (perso j’en ai 2 : mon hyperphantasie qui me permet d’enchainer l’écriture de manuscrit en m’empêchant de dormir car je ne peux pas cesser de penser et mon aptitude à renverser tout ce que j’essaie de saisir grâce à mes problèmes de proprioception qui me font aussi chuter en marchant sur un sol parfaitement plat car mon cerveau invente des marches) et tout ce qui en a résulté c’est l’émergence de la notion de “situation de handicap” qui prétend que si on a des adaptations, alors nous n’avons plus de handicap.

Si c’est vrai, alors encore une raison de plus de ne pas séparer les olympiens des paralympiens.

Toujours pas ?

Vous savez à quel point vous n’aimez pas que les handis puissent coexister avec vous ?

La règle sur les publicités.

Vous ne connaissez pas ?

Allez, la dernière blague pour clôturer cet article (edit: oups, non, il y a un bonus validiste à la fin, survenu avant que je publie ^^”).
Qui dit jeux différents, dit comités d’organisation différents.

Or, dans les règlements des jeux (peu importe lesquels), il est proscrit d’avoir un tatouage assimilable à une publicité (au cas où vous voudriez courir le 100 m avec un logo Nike sur le bras, qui serait, par ailleurs, une contrefaçon sauf si Nike vous a donné l’autorisation, infodump du droit par mon cerveau autiste : check).

Maintenant imaginez que vous soyez athlète handi aux paralympiques et que vous ayez un tatouage des anneaux olympiques ?

Bah hop, disqualification !

Parce que les paralympiens ne sont pas des olympiens et les JO sont une marque déposée.

Donc les paralympiens qui ont un tatouage des anneaux sont considérés comme faisant de la pub pour une autre compétition que la leur.

Et non, ce n’est pas une blague, le Comité International Paralympique vient seulement d’émettre une autorisation de porter ce tatouage (24 août 2024), en urgence après le bad buzz de ce rappel et le risque de disqualification d’un trop grand nombre d’athlètes, brisant une règle…créée par ses soins en 2012… quand le CIP réintégrait les athlètes avec un handicap mental un peu comme si… il y avait les bons handis avec un handicap physique qui pouvaient être affilié·e·s aux jeux olympiques avant, puis un besoin de ne surtout pas assimiler les paralympiens et les olympiens une fois qu’on avait à nouveau des personnes avec un handicap mental, au cas où ça serait contagieux…(tousse en “c’est pas du validisme, c’est un pur hasard, la plus grande coïncidence sur Terre”).

Tout ça pour dire que la mauvaise représentation des handicaps ne date pas d’hier et que l’absence d’un mouvement antivalidiste fort empêche une réelle évolution sur ce terrain.

Tant que nos allié·e·s refuseront de condamner les discours publics qui emploient des mots psychophobes pour qualifier des criminels ou discréditer des opposants politiques, tant qu’on nous dira que “quand on parle d’un sujet, il faut arrêter de reprendre sur un terme quand c’est pas le propos global”, tant qu’on aura de l’intersectionnalité qui consiste ni plus ni moins à prétendre qu’on peut mener de front toutes les luttes sans comprendre que ça contribue à une appropriation (au point qu’on voit des féministes intersectionnelles enjoindre des hommes à devenir féministes, ce n’est pas un recul, c’est une médaille d’or de “c’était mieux avant donc rétropédalons sur 30 ans”), on finira systématiquement avec des valides qui nous diront que les bons handis, les vrais handis sont d’accord avec leurs propos, en fermant les yeux sur la coercition à laquelle sont soumis les handis en question parce que bon, c’est sûr que les handis qui concourent ont largement la possibilité de dire que c’est problématique sans risquer des malencontreux problèmes de sélection aux prochaines compétitions.

Personnellement, j’en veux à la “gauche” (les guillemets, c’est parce que franchement, la gauche antivalidiste en France, je la cherche encore), j’en veux aussi à toutes les Kristines qui se disent alliées, expliquent que les valides devraient fermer leur mouille sur le sujet et… décident ensuite de quels handis ont le droit de s’exprimer ou pas.

J’en veux à toutes les personnes qui parlent de combattre le système, parlent régulièrement de validisme, mais jamais de l’ASE, jamais du validisme étatique, en hiérarchisant validisme et psychophobie, contribuant à distinguer les vrais handis des “autres là, pas vraiment capables mais pour une question de volonté, ou à enfermer” et allant jusqu’à trouver le moindre angle alternatif d’attaque d’un sujet, chaque fois qu’il permet de parler d’une autre oppression plutôt que du validisme, comme si ça n’était pas cumulable, comme si le validisme c’était la dernière problématique à adresser.

Bref, c’était long, c’était douloureux et ça représente des luttes de mon quotidien et j’avoue que ça me saoule à un stade intergalactique de devoir en faire un article alors qu’il n’y a rien de nouveau, que ça fait des décennies que les personnes concernées s’expriment dessus et que rien ne bouge parce que globalement, vous vous en tapez.

Et comme je n’aime pas les coups d’épée dans l’eau, je vais finir avec du plus positif.

En premier, je veux remercier mon ex-entraîneur (que je vais pas nommer parce que je veux pas qu’il prenne 1% de ce que je tank) pour ses années à mes côtés, pour toutes les adaptations mises en place, parfois de sa poche, pour nos adelphes handis, pour m’avoir fait m’entraîner avec des mecs valides que je battais juste parce qu’il en avait rien à carrer des classifications, pour avoir autant lutté avec l’administration pour rendre tout ça accessible dans un monde où c’est compliqué d’avoir droit à un peu de considération.

Ensuite, je veux que toute cette râlerie serve à ce qu’on prenne nos responsabilités, à titre individuel et qu’on stream les directs d’handisport quand on le peu, qu’on se rapproche des clubs handis et qu’on fasse des streams caritatifs pour les aider à financer du matos, qu’on aille carrément sur le terrain retransmettre les compétitions pour celleux qui peuvent, pour aller chercher ce que ni la télé, ni les organisations globales du sport ne veulent nous donner en terme de représentation.

Et j’espère que sur ça, on aura des allié·e·s à la hauteur, parmi celleux qui comprennent que ça nous prend de l’énergie, ça nous tue à petit feu au quotidien et qu’il est urgent de changer la donne.

Nous existons, nous ne sommes pas vos tokens, nous ne sommes pas là pour vous faire pitié 1 fois par an au Téléthon ni pour vous donner bonne conscience.

Nous ne sommes pas des exemples de courage, ni de pourquoi il ne faut pas boire avant de conduire, encore moins de pourquoi il est important que l’IVG continue d’être un droit ou que l’euthanasie doive en devenir un.

Nous sommes des êtes humains à part entière, nous avons des sentiments (apparemment, vous l’oubliez vite) et nous n’avons rien de superhéros.

Vivre malgré votre validisme, ce n’est pas être un superhéros (d’ailleurs, ça vient du mythe de la méritocratie, c’est de droite, de rien c’est gratuit), c’est être des survivant·e·s, les mots ont un sens, prêtez-y une attention particulière, parce que dans mon cas, la patience n’est plus là et désormais, quel que soit votre bord politique, si vous avez une posture validiste et que vous la maintenez quand on vous signale que votre propos était problématique, vous serez dans la team faf dans mon esprit, sans aucun regret.

Parce que si vous avez ce qu’il faut pour être validiste, vous avez ce qu’il faut pour que la liste des personnes dont l’existence vous débecte soit globalement la même que celle des gens d’extrême droite.

Et si ça vous pose un problème que j’écrive ça, demandez-vous pourquoi vous avez besoin d’être validiste et pourquoi vous ne vous battez pas à nos côtés, par exemple pour une réforme de l’ASE.

Et changez de camp.

De notre côté, il y a des chats, la team “je suis neuroA donc artiste” et puis on est moelleux et on mord déjà pas quand on nous agresse, alors vous risquez surtout de recevoir des câlins si consentis plutôt que des coups de dents.

Bref, chalicornes et aquaponeys, pensez-y, ou pas, et surtout, prenez soin de vous.

(et soutenez les handis, en stream, en sport, en petites boutiques indés, on a besoin de vous pour survivre, merci)

BONUS VALIDISME : entre le moment de mon brouillon (24 août) et la sortie de cet article, on a eu l’occasion de voir à quel point les paralympiques ne sont pas une vaste blague avec la perte de médaille d’une athlète handi disqualifiée parce qu’elle a… rompu le lien à son guide en lâchant le lien physique qui les liait pour… soutenir son guide à bout de souffle en fin de course.

OUI OUI, une athlète atteinte de cécité, qui finit en soutenant son guide (ou qui finit seule si elle n’a pas d’empathie) ben elle mérite pas sa médaille.

Forcément, c’est pas une bonne handi, elle dépend pas totalement de son guide valide.

Mais si on sépare les handis et les valides, c’est pas parce que les handis pourraient être meilleurs, PAS DU TOUT (merde, j’ai pas fini sur du positif, en même temps, on vit vraiment dans une saucisse…)

Fais tourner !

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