TSADAH ! C’est moi ! Ta neuroA chieuse préférée (si, clairement, sinon tu ne viendrais pas lire mes articles salés)
Pour 2025, déjà je te souhaite une bonne année, pleine de croissance, d’expérimentation, d’échecs que tu transformeras en victoires, et en plus je t’offre (ok, pas le meilleur cadeau du monde, mais fais avec) un article par jour.
Ces derniers temps, je reçois plein de messages de gens ayant découvert mon blog par hasard et m’expliquant que c’est très cool d’avoir une personne concernée qui parle de régulièrement de neuroatypies, mais aussi qui veulent en savoir un peu plus sur mon quotidien, ce qui m’est compliqué et ce qui me facilite la vie, pour mieux comprendre leurs proches également concernés.
Évidemment, je tiens à rappeler que les neuroatypies, particulièrement l’autisme comme j’en parlais dans mon articlé dédié, sont des spectres et que mon expérience sera forcément différente de la vôtre et celle de vos proches, donc tout ce que je partage est à prendre avec ce recul vraiment important.
Ceci étant dit, c’est parti pour vous embarquer dans mon année, parallèlement à mes articles habituels.
Et on commence avec un engagement salutaire que j’ai pris avec moi-même : refaire de mes valeurs fondamentales un filtre !
Ju’, c’est quoi les valeurs fondamentales ?
Il paraît (en tant qu’autiste, je n’en suis pas toujours convaincue) que nous, êtes humains, sommes des animaux sociaux. À ce titre, nous avons besoin de repères pour savoir avec qui nous allons sociabiliser ou non. Et ces repères, globalement, ce sont nos valeurs fondamentales.
Généralement, nous en avons trois, ce qui doit vous rappeler quelque chose : la devise de notre pays, qui est construite sur ce modèle. Si la nation était un être humain, bon elle chialerait du traitement qu’elle subit, mais surtout ses valeurs fondamentales seraient la liberté, l’égalité et la fraternité.
Alors je sais, tu te dis peut-être que « ben tout le monde a ces valeurs, a priori », sauf qu’il s’agit moins de les avoir que de ne pas en avoir de plus fortes.
À titre d’exemple, personnellement, je préfère l’équité (diagonalisation des moyens mêlant justice et égalité) à l’égalité seule et je préfère l’adelphité (qui concerne tous les genres) à la fraternité (qui est la base de la « brotitude » et un socle de valeur pour les mascus et autres incels très enclins à verser dans les VSSC).
Nos valeurs fondamentales sont donc, globalement, les trois valeurs qui nous importent le plus et qui vont ordonner un peu nos relations, entre les très bons amis, avec qui on partage ces trois valeurs, et nos connaissances, avec qui on en partage une, voire aucune si c’est une connaissance « imposée » (famille lointaine, collègue de travail, etc).
Et parce que ces valeurs ordonnent nos relations, je pense pertinent d’en faire des filtres.
Ok, mais c’est quoi, un filtre ?
C’est un bidule dans lequel on met son café moulu et qui permet de faire un breuvage qui s’avère être un excellent somnifère pour les TDAH et que tu appelles généralement café. Oui mon humour est pourri et ça ne changera pas en 2025.
Tu as déjà du entendre parler des filtres de Socrate : en gros, quand tu discutes avec quelqu’un, Socrate recommande de passer ton futur propos à travers trois filtres :
1 – est-ce que ce que je vais dire est vrai ?
2 – est-ce que ce que je vais dire est bon ?
3 – est-ce que ce que je vais dire est utile ?
Ces filtres sont censés permettre d’avoir des discussions plus apaisées, mais surtout plus pertinente, limitant le commérage, la désinformation et la diffamation.
Le but d’un filtre, de base, c’est de savoir si on veut, ou non, avoir une interaction, donner de l’énergie.
Comme, encore une fois, nous sommes réputés être des animaux sociaux, les interactions et les endroits où nous dépensons notre énergie sont ce qui construit et nourrit nos relations. Les filtres sont donc des outils pour éviter de nourrir ce qui n’en vaut pas forcément la peine.
Et les valeurs fondamentales me semblent être un très bon filtre.
Pourquoi et comment faire des valeurs fondamentales un filtre ?
Je suis autiste et TDAH (ça y est, vous comprenez le « TSADAH, c’est moi », parce que TSADAH = « Troubles du Spectre Autistique et du Déficit de l’Attention et Hyperactivité ») et les relations humaines et moi…
Bon, j’ai expliqué à un psychiatre que je vois ça comme « 50 nuances de relations », je pense que ça pose la base, je peine à comprendre comment les gens peuvent considérer une personne comme une sœur / une meilleure amie, une autre comme une simple collègue de boulot dont l’existence s’envole une fois qu’on a quitté le travail, plaçant ladite existence dans un état paradoxal semblable à celui du chat de Schrödinger, et surtout, pour une raison qui m’échappe fortement, la plupart des gens élèvent une personne au rang de « digne de l’amour », mais genre il est impossible que ça fluctue avec de l’amitié, etc, bref, je ne comprends pas (team polyamorie en plus, donc vraiment ce système relationnel me dépasse).
Cependant, il n’empêche qu’à moins de vouloir vivre en ermite (quoi que ça m’arrive quand même souvent), pour cohabiter avec le monde, il faut bien que j’arrive à écrire un peu ces frontières qui m’échappent (même si, je rassure ma clientèle usuelle, je continuerai de la traiter comme une amie et une sœur <3).
Or, comme nous l’avons vu avant, ce qui dessine ces limites, ces distances entre les gens, c’est l’adhésion aux mêmes valeurs fondamentales.
Donc de la même manière que Socrate a pensé des filtres sur des propos, j’ai décidé de faire de mes valeurs des filtres d’interaction.
Personnellement je value l’apprentissage, le partage et l’inclusion.
Conséquemment, si je me retrouve à découvrir qu’une personne est pro méritocratie (on rappelle que c’est un culte des privilèges, relis cette phrase autant de fois que nécessaire), persuadée qu’on réussit en gardant pour soi ce qui fait avancer et estime que « les gens n’ont qu’à faire des efforts », il est fort probable que je la bloque en ligne et que je décide de ne pas collaborer avec (et l’avantage d’être indépendante, c’est que si je ne souhaite pas bosser avec, je peux).
Si, en revanche, je découvre une personne qui vulgarise du contenu, il y a de très fortes chances que je décide de suivre son compte et que je développe des interactions avec elle.
Et pour tous les gens sur le spectre d’adhésion entre ces 2 extrêmes ? Mon investissement d’énergie sera proportionnel à leur niveau d’adhésion à mes valeurs.
Et avec cette méthode, non seulement j’économise de l’énergie, mais en plus… j’apprends à dire stop.
Les neuroatypies ou l’art de ne pas forcément savoir dire stop.
C’est une discussion que j’ai relativement régulièrement, plus particulièrement avec des (personnes perçues) femmes autistes : on ne sait pas dire stop.
Pardon, c’est inexact, je devrais plutôt dire : on nous a appris à toujours dire oui, toujours être au service des autres, toujours faire des concessions et nous oublier au profit des autres (on en parlera un jour, dans un article dédié) et à l’âge adulte, sans désapprendre tout ceci, on ne sait pas dire stop, on culpabilise si on le fait, à s’en rendre malade et si on ne le fait pas, ça nous met en danger et nous tue à petit feu.
L’année dernière, j’ai beaucoup vécu ce fléau, j’ai aussi commencé à apprendre à envoyer chier des gens.
Nouvelle référence à une discussion avec ce psychiatre (Emmanuel, si vous vous êtes perdus ici, un câlin si consenti) : « parfois il faut admettre que, neuroA ou pas, les gens peuvent juste être des cons », élue meilleure phrase de 2024 à mes oreilles.
C’est bête, mais j’ai grandi avec la croyance que si une interaction que j’ai n’est pas fructueuse, c’est probablement ma faute (j’ai effleuré le côté obscur de mon enfance par ici, si jamais) et donc qu’il faut que je répare mes maladresses et erreurs, pas que je considère que c’est un jeu qui implique deux personnes et que l’autre doit aussi observer des règles.
C’est un point que les gens ont du mal à comprendre au quotidien : quand on est neuroA, surtout si on a eu un diagnostic tardif, on apprend à l’âge adulte des choses qui sont normalement acquises durant l’enfance et l’adolescence.
Personnellement, j’ai aussi tendance à croire que notre perception très différente de la société, des humains et des interactions nous conduit à moins bien percevoir les « red flags » des gens. Et j’ai un très bon exemple à ce sujet.
En choisissant de faire de mes valeurs fondamentales un filtre, j’ai récemment mis fin à ce que tu considérerais probablement comme une très grande amitié. On parle d’une personne avec qui j’ai vraiment eu des interactions fortes, que j’ai beaucoup soutenue, défendue, etc.
J’ai du envisager de mettre fin à cette relation parce que je suis tombée sur une publication qui m’a choquée par le niveau de dissonance cognitive dont cette personne faisait preuve, m’accusant, sans me nommer, d’être responsable de sa « mauvaise situation financière » actuelle (et je passerai sur tout ce qui fait que la notion de mauvaise situation financière est vraiment relative).
Choquée, j’ai d’abord pensé que c’était peut-être un post d’humeur (soyons honnête, ça arrive à tout le monde, surtout sur les réseaux sociaux qui galvanise l’écriture à chaud), sauf que j’ai décidé de scroller un peu et la suite consistait ni plus ni moins à dire que l’année passée, la seule forme de soutien qu’elle avait reçue était une validation par un artiste, ce qui revenait à effacer tout ce que j’ai et ce que des amies communes ont fait pour elle en 2024, mais aussi à réasseoir l’idée qu’à ses yeux… nous ne sommes pas des artistes.
Mon premier réflexe a été d’en parler avec ma sœur de cœur / meilleure amie – tu sais, la petite dame qui s’appelle Justine et dont tu devrais découvrir le site si tu ne l’as pas déjà fait, ainsi que les œuvres parce que pour une personne qui ne serait pas une artiste, elle a quand même des créations incroyables qui changent le monde – et j’ai découvert que j’ai loupé plein de signes en amont de cette interaction.
J’ai donc déjà décidé de lever le pied sur l’énergie consacrée à cette personne, vu que de toute façon, il paraît que j’en investissais déjà pas.
Puis s’est posée la question de savoir si oui ou non je voulais continuer de nourrir cette relation tout court. J’ai donc utilisé mes valeurs fondamentales comme un filtre relationnel.
1 – Est-ce que cette personne partage ma valeur d’apprentissage ?
Avec un nombre problématique (à mes yeux) de publications / réponses consistant à dévaluer les « jeunes » créateurices, ou, a contrario, à asseoir sa position comme la posture de référence, pas vraiment.
Encore moins quand le gros des autres interactions consistent à attaquer plutôt qu’à dénoncer avec pédagogie.
2 – Est-ce que cette personne adhère à ma valeur de partage ?
Paradoxalement pour une personne qui estime ne pas avoir été soutenue quand nous avons fait beaucoup d’efforts pour mettre en avant ses contenus, il n’y a jamais eu la moindre réciprocité et je pense que ça suffit à répondre à cette question, en tout cas en ce qui concerne notre relation.
3 – Est-ce que cette personne valorise l’inclusion ?
Et là… j’avoue… ça fait mal. C’est douloureux parce que c’est la question qui me permet de voir à quel point j’ai fermé les yeux sur des comportements hyper problématiques.
Outre le fait que ses postures vis à vis des « jeunes » créateurices suffit à répondre non à la question, d’autres problématiques s’y ajoutent, notamment le recours au token d’immunité et le fait de non seulement privilégier son intérêt au respect des personnes avec qui elle relationne, mais aussi de réécrire l’histoire après coup.
Tout le monde ne voit pas forcément ce qu’est le token d’immunité, donc je précise, c’est une posture selon laquelle on ne peut pas participer à une oppression que l’on subit soi-même. Concrètement, si je disais que tous les meurtriers sont des fous furieux et qu’on m’accusait (à raison) de tenir des propos psychophobes, un token d’immunité consisterait à répondre que « je peux pas être psychophobe, je suis neuroA ».
(Rappel que les femmes qui estiment que les femmes qui intériorisent du sexisme sont des « pick me » sont aussi des personnes qui font appel au token d’immunité et intériorisent précisément le même sexisme, c’est le « pick me-ception ». De rien)
Bref, après être passée à côté du fait qu’à plusieurs reprises elle a tenu des propos LGBTQIA+phobe ou a défendu des personnes en tenant, au motif d’être de la communauté, elle a aussi choisi de collaborer avec des personnes avec qui ses amies (enfin, non du coup, nous ne l’avons jamais réellement été vu les publications depuis) ont eu des divergences suffisantes à ce qu’un être humain, si neuroA soit il, décide de bannir ces personnes de leur existence et, clou dans mon cercueil mental, se rapproche depuis ouvertement de personnes transphobes (ce que j’ai très mal vécu en étant autigenre, mais j’avais besoin de cette gifle, on va pas se mentir).
Ce qui est intéressant, avec ce système de filtre basé sur nos valeurs fondamentales, c’est que c’est beaucoup plus difficile de trouver des excuses aux gens, alors que d’habitude, notre cerveau plonge dans le biais du coût en énergie : j’ai déjà passé des années à nourrir cette relation, c’est plus coûteux de la quitter que de trouver des excuses, sauf quand tu réalises que le coût ne se limite pas à ton énergie mais au respect qui t’est du.
Et puis ça fait sauter en plein les œillères, d’un seul coup tu repenses à toutes les fois où tu avais mal compris une phrase (surtout si t’es autiste comme moi avec une grande incapacité à piger des sous entendus bien planqués – les conversations devraient venir avec des didascalies, je le redis) et tu réalises que non, cette personne que tu voyais comme une pote aussi gauchiasse du wokistan que toi n’as pas viré proche ED du jour au lendemain et l’a probablement toujours été.
Et puis il te prend l’envie d’aller gratter du côté de toutes les personnes qu’elle a un jour conspué publiquement et tu découvres une toute autre version des faits qui est étrangement plus cohérent, en plus elle se paie souvent le luxe d’être appuyée par des preuves concrètes, bref… quand on arrête de fixer le mur devant lequel on nous a installés et qu’on prend du recul en s’autorisant à observer l’ensemble du paysage, on remarque beaucoup mieux tous les défauts çà et là.
Et ça permet de dire stop.
Est-ce que c’est douloureux ? Évidemment, personne ne prend plaisir à se rendre compte que la personne qu’on pensait apprécier n’a probablement jamais existé et que c’était juste une « ombre blanche ».
Est-ce que c’est facile ? Personnellement mes neuroatypies me poussent à être très pragmatique, si je vois que rien n’a jamais été réel et authentique, c’est terminé, page tournée.
Dans certains cas, notamment quand c’est seulement une histoire de fin d’adhésion à des valeurs communes, je passe en mode « low contact », j’interagis bien moins sans fermer totalement la porte et sans avoir de problème à coexister avec la personne. Dans d’autres cas, en particulier s’il y a eu un manque de respect flagrant voire une attaque directe à l’encontre de personnes qui me sont chères, je passe en mode « no contact » et je bloque. La personne n’existe plus pour moi, au point que mon cerveau filtrera même sa voix si on se croise à un événement.
Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, si ce système de filtrage permet très bien de dire stop, il est aussi excellent pour dire « commençons ».
Un filtre pour ouvrir la porte à des relations
Autre problème avec mes neuroatypies : débuter des relations. À moins que la relation s’impose dans ma vie (encore une fois, la famille, les collègues de boulot, la clientèle en étant indé) il m’est difficile d’en nourrir en devant d’abord les faire germer.
C’est là que ce filtre par valeurs fondamentales est intéressant.
Que ce soit via les réseaux sociaux qui me suggèrent des contenus, ou en une discussion avec une personne conviée au même événement que moi, rapidement je vais me poser la question de l’adhésion à mes valeurs ou des valeurs suffisamment proches. Plus ça colle, plus je vais ouvrir la porte à la personne, notamment en la questionnant sur ses intérêts, le livre de Dale Carnegie est excellent à ce sujet, je le résumerai à « plus tu pousses la personne à parler d’elle-même et tu rebondis sur ce qu’elle te dit, plus elle te perçoit comme une relation intéressante à nouer ».
Et parce que le filtre permet de savoir si j’ai envie de donner une chance à cette personne, il est très important que j’inclus mes valeurs fondamentales dans mes propres interactions, de manière à ce que les gens qui découvriraient mon profil et utiliseraient ce même systèmes puissent reconnaître mes valeurs et savoir si oui ou non ils y adhèrent également.
Tout ça pour dire que vraiment, il est plus important que jamais d’être authentique. Admettons que parfois on a parlé trop vite, partagé trop vite, fait une erreur et communiquons.
À la fin, c’est tout ça qui fait qui on est et plus on est authentique, plus on gagne du temps et de l’énergie à investir dans ce qui compte réellement.
C’est, entre autres, ce qui permet d’ « être SOFT »… sujet de ma formation qui sort cette année, à découvrir par ici : https://formations.julieanimithra.fr/etre-s-o-f-t/
Et toi ? Tu filtres comment tes relations ? Tu penses que ce système pourrait t’aider ?