Vous cherchez une nouvelle lecture et vous voulez sortir des sentiers battus ?
Je vous propose de découvrir Evana !
Avant propos : UNE REVIEW ??? PAS UNE CHRONIQUE ???
Je sais, ça peut surprendre que je fasse les deux, donc je veux clarifier le pourquoi du comment.
Pour une chronique, on doit faire preuve d’objectivité ; c’est un exercice qui se fait en découvrant l’œuvre à travers ce que la maison d’édition (ou l’auteurice pour les livres auto édités) en présente et rien de plus.
Sauf que là… Ben je connais Justine, je connaissais son intention à travers ce livre, donc c’était déjà rapé.
Et comme nous discutons quotidiennement, j’ai aussi suivi le lancement de son livre et les premiers retours.
Et je dois avouer que si je ne lui avais pas déjà promis de publier au sujet de son livre, les retours que j’ai lus auraient suffi à me motiver à le faire #exaspération.
Bref, la review, c’est la chronique en potentiellement plus salé.
Quand je pense que vous me surnommiez déjà “el monstro” pour mes chroniques… Je vais passer pour quoi maintenant ???
Il était une fois, une œuvre de fantasy…
NON
Il était une fois une réécriture féministe de Frankenstein…
OK, C’EST BON, PASSEZ MOI UN LANCE FLAMMES.
Pardon.
J’inspire.
J’expire.
J’explique.
Evana n’est pas, ne sera jamais et ne saurait être confondue avec une œuvre de fantasy.
Je sais, je fais chier, je commence directement ma review par un truc de puriste, mais j’estime que la classification d’un livre témoigne du respect de son auteurice.
Donc, Evana, c’est de la littérature contemplative, j’admets que ça soit confondu (au sens littéraire) avec de la philosophie, mais dans tous les cas, C’EST DU ROMANTISME.
Et si vous osez commencer à confondre romantisme et romance, fermez cette review et allez réviser les genres, parce que ça commence déjà très mal.
Et plus sérieusement, j’ai écrit sur le contemplatif si vous voulez vous renseigner un peu : cliquez juste ici.
Et j’aurais compris qu’on le confonde avec du fantastique (comme quand on me cite Frankenstein, que je vais atomiser juste après), mais pas de la fantasy, il n’en a pas les codes.
BREF.
FRANKENSTEIN.
Il y a tellement à en dire, que je ne sais pas trop par quoi commencer.
On va donc débuter par le plus simple à mon goût.
ARRÊTEZ DE COMPARER DES PLUMES.
Voilà.
Vraiment, c’est la base.
Que vous puissiez glisser dans une conclusion de chronique, dans la partie avis perso (parce que je rappelle que le reste doit être objectif), un truc du style “ce livre n’a pas été sans me rappeler…”, ok, c’est cool, ça donne le ton.
Mais oser écrire “c’est la réécriture de…”.
Sans que l’autrice l’ait dit.
Bon, admettons (vous m’obligez à citer Bigard, je vous hais).
Si vraiment vous vous sentez les gonades d’affirmer que c’est la réécriture d’une œuvre…
Vous pourriez au moins connaître l’œuvre en question ?
Oh, ça va, j’ai prévenu que ça serait salé, j’aurais du dire sanglant, peut-être ?
Que vous inventiez que c’est une réécriture, c’est déjà du culot, mais bordel, vous pouvez pas le faire quand rien ne colle ???
Déjà… Frankenstein ou le Prométhée Moderne… à la base, c’est un roman épistolaire.
Passons outre ce fait souvent méconnu, en général, le lambda la classe en fantastique (motif : il y a une forme de magie créatrice de la vie, mais la créature est crainte, donc ce type de magie aussi, donc c’est fantastique).
Et toujours pas, c’est une œuvre de science-fiction.
Bon, l’œuvre de Shelley était philosophique, car elle interroge l’éthique, ok, on consent un point commun.
Sauf que si on résume un peu les œuvres, d’un côté on a :
Frankenstein (du nom du savant qui s’est pris pour Dieu et pas de la créature qu’il a créée) c’est l’histoire du mec qui assemble des morceaux de corps, leur donne vie et… assume pas et abandonne la créature.
Le récit, recousu comme la créature à partir de l’épistolaire, garde volontairement un côté flou au sujet de l’identité de la créature et de son maître par portion, pour contribuer à questionner l’éthique de la chose, suite aux différentes aventures qui découlent de l’expérience du scientifique.
Et pour vous, ça, c’est la même chose que :
Evana est un roman contemplatif des pensées d’une créature nouveau-née des mains du Professeur qui lui dicte le début de sa vie ; cette œuvre en trois fragments dépeint l’évolution d’une personne qui cherche à s’épanouir malgré les volontés de possession, manipulation et destruction que les autres vivants ont à son égard.
Le récit est un tableau vivant que l’on consomme comme on regarde une toile de maître, en admettant les pensées, en vivant le personnage.
Non, mais je suis médisant·e, c’est relativement similaire.
Au moins autant qu’un ananas et une banane.
(oui, il y a un côté fruit exotique en commun)
Maintenant que j’ai sorti la salière et la harissa en même temps, je vais préciser : je ne tape sur personne parce que je ne sais pas sur qui taper.
Je n’ai aucune idée de s’il y a juste eu plein de gens qui ont postulé à des SP sans même vérifier le type de livre que c’était (oui, je l’ai déjà vu, ça donnait un auteur surcoté qui a découvert par une chronique salée que son livre était un plagiat inconscient d’une œuvre majeure, pas merci les chroniques extrêmes) ou si la classification était mal renseignée et à vrai dire, je m’en cogne un poil parce que, comme vous le verrez dans ma prochaine chronique à venir, une mauvaise classification ou une méprise sur le contenu potentiel d’un livre, ben ça dispense pas de faire son taf.
Alors attention, quand je dis “faire son taf”, c’est pas un tacle aux gens qui auront pas lu en plein ou pas apprécié le livre, ça, c’est tout à fait ok, j’en ai abandonné des œuvres, j’ai bien failli ne pas terminer un livre récemment à cause des propos dedans, c’est ok, on peut avoir lu, compris et pas aimé, c’est ok aussi, ça m’est arrivé avec un livre de fiction historique, j’ai argumenté, personne n’en est mort.
Mais quand on lit une œuvre qu’on pense d’un genre et dont on voit qu’il est d’un autre, on souligne l’erreur dans la chronique et on analyse au regard du genre réel.
Ce n’est pas sérieux et c’est un immense manque de respect à une plume de dire (je caricature pour le besoin) : j’ai pas aimé, y’a pas d’action.
Quand on chronique, on doit être factuel : j’ai reçu ce livre en pensant que c’était une lecture fantasy, en réalité, c’est un roman contemplatif, si vous cherchez de la fantasy, il ne vous cible pas, si vous cherchez du contemplatif, vous devez savoir que + chronique réadaptée.
En fait, c’est une bête question d’éducation, la même qu’entre “c’est pas bon” et “c’est sucré salé et personnellement, je n’aime pas ça, mais si vous aimez alors sachez que on retrouve des notes acidulées dans la sauce tomate, plus ou moins atténuées par la purée de châtaignes et…”, c’est pas dur et c’est nécessaire, c’est une question de professionnalisme.
Ah et du coup, ça ne cible que le professionnel·le·s, évidemment, les chroniques bénévoles… bon, j’en ai déjà débattu et je vais pas refaire un pamphlet sur le dumping et sur le titre de chroniqueurse.
C’est bon, j’ai fini de faire en sorte qu’on me déteste (d’ailleurs, je me suis retenu·e de commenter le fait que des gens ont trouvé qu’il n’y avait aucun fil conducteur… parce que c’est pas possible qu’iels aient lu ce livre en fait).
Je passe à la review formelle du livre.
Evana : une forme qui en fait un livre pour les lecteurices aguerri·e·s
Alors, quand j’écris “agerri·e·s”, je ne le pense pas vis à vis du genre littéraire (tout le monde peut découvrir le contemplatif, il n’y a ni âge, ni milieu pour ça), mais du niveau de langue.
Outre les mots que Justine C.M. a gentiment indexés en fin de roman, le registre est soutenu et franchement, je pense qu’il faut que vous ayez une bonne expérience de la littérature classique pour vous donner le niveau de vocabulaire adapté.
Et pour en consommer beaucoup : si le plus “dur” que vous lisez, c’est du théâtre ou Sartre, vous voudrez peut-être d’abord lire des œuvres comme les Contemplations d’Hugo ou le Gorgias de Platon.
Cela ne le rend pas totalement inaccessible, contrairement à moi (je me tacle aussi, du sel pour tout le monde), Justine ne vous pond pas des phrases longues de plusieurs paragraphes et vous pouvez deviner le sens des mots les plus délicats, le conseil précédent est pour les gens qui ont un peu peur d’affronter des caps de lecture.
Outre ces éléments, le récit est coloré, il se vit réellement comme une peinture vivante et c’est ici la grande force de la plume de Justine qui rappelle à chaque instant qu’elle n’est pas seulement une autrice, mais une artiste “randopuzzlelière” comme elle se qualifie elle-même et notamment une peintre.
Petit aparté : la couverture réalisée par Obsydienn traduit très bien ce que vous verrez (sens premier) au cours de votre lecture.
Aparté secondaire : d’ailleurs, en tant que personne avec poly synesthésie, j’ai beaucoup aimé la forme du récit sur ce plan.
La forme épouse parfaitement les contraintes du romantisme : on a un tableau que l’on peut voir, apprécier dans ses moindres détails, défaire, critiquer, aimer, haïr, repenser, à l’infini.
La plume de Justine prouve son éclatante singularité avec son aptitude au “show, don’t tell”, alors que le contemplatif contraint pourtant à dire.
Bon… Et le fond dans tout ça ?
Evana : une réalité brutale, dépeinte avec beaucoup de douceur par les mécanismes du romantisme
(ah ben oui, du coup, y’a un intérêt à la classification #sarcasme)
(oui, je sais, j’arrête)
Comme expliqué plus tôt, Evana vous raconte les pensées d’une créature nouvellement née, qui apprend la vie à travers la possession du Professeur puis diverses autres rencontres.
Le fond nous ramène, donc, à des questions douloureuses d’une part (raison pour laquelle il y a des triggers warnings indiqués pour vous permettre de lire ça quand vous le sentez) et à toutes les réflexions profondes qui vont avec.
Par exemple : les notions de possession et de manipulation d’autrui, vues par la personne qui les subit.
Outre le regard manichéen qu’on peut habituellement poser dessus, les pensées d’Evana permettent aussi un regard double sur la question puisqu’on peut à la fois contempler l’évidence (en spectateur) et appréhender le point de vue de la victime qui ne peut pas forcément avoir conscience et qui va, ou pas, questionner ce qu’elle vit (en point de vue interne).
Et il y a une grande justesse dans la manière dont Justine écrit tout cela ; rien ne fait hurler, rien n’est de trop.
D’ailleurs, je lui trouve une ressemblance dans la manière de créer la dénonciation sans choquer (vous avez vu, je m’apprête à comparer avec une autre plume, mais pour le fond, pas pour juger de la qualité, attention, exercice périlleux ! – non) avec La sorcière au fond des bois de Meryma Haelströme.
Evana : j’en ai pensé quoi au final ?
Il est évident que ce livre est pour un public averti, au sens où il cible des gens ayant un goût du contemplatif et capables de se laisser entraîner dans des pensées, sans résister.
Je ne dirai pas que c’est un OLNI, car ça n’en est pas un, tout au plus, il s’inscrit dans un genre qui peut être méconnu d’une partie de la francophonie à l’heure actuelle…
Peut-être que son principal défaut est sa langue de publication (non, je ne suis pas en train de suggérer de le traduire, jamais je ne ferais ça, surtout pas en rappelant que je pourrais le traduire, le cas échéant, encore moins parce que je sais que le romantisme est bien plus couramment consommé par le public anglosaxon).
Du reste, en toute transparence, j’estime que ce livre qualifie la définition suivante de la perfection :
La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer
Antoine de St Exupéry
Et pour les gens qui savent le niveau d’exigence que j’ai dans mes lectures, qui savent à quel point je trouve rapidement à redire… Je pense que tout est résumé ainsi.
Je vous invite vraiment à le découvrir, pour ce qu’il est, un récit de pensées, comme une discussion avec une âme au cours de sa formation et son évolution, rien de moins, rien de plus.
À acheter chez Le Labyrinthe de Théia Editions !
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