J’ai brièvement abordé le sujet pour la Pride Month Ecriture organisée par Vicky Saint-Ange, je viens approfondir ici la question pour toustes les auteurices, queer ou non.
Le conseil que j’aurais voulu connaître plus tôt dans ma vie d’auteurice, c’est d’écrire les histoires que j’aurais voulu lire, quoi qu’il arrive.
Trames classiques, fades, lues et relues.
Avant de m’autoriser à être auteurice, avant de m’autoriser à rendre publics mes écrits, j’ai longtemps tergiversé et j’ai compris pourquoi en lisant et en chroniquant d’autres plumes.
Quand on parle de fictions, les choses semblent parfois très lisses.
On a un héros super badass, à peine faillible, sauf pour le besoin d’un vieux twist au milieu du récit, ou alors on a une héroïne super forte parce que comme on manque de représentation, on a bien besoin que la nana qu’on fait exister soit une meuf blessée qui transforme sa peur en rage, mais se fera quand même surprendre tôt ou tard la larme à l’oeil, etc etc, jusqu’à un happy ending où tous les gentils se sont compris, tous les méchants ont été défaits, youpi sortez les cotillons et les confettis.
Je sais bien qu’on parle de fiction et donc pas de la vie réelle, mais il ne me semble pas moins que les personnages principaux sont ceux à qui on est censés s’identifier et qui doivent nous inspirer, nous faire espérer des jours meilleurs, tout en évitant de perpétuer les clichés associés à la ou les minorités ont iels proviennent.
Je suis un.e ancien.ne enfant placé.e, racisé.e, neuroA, pan et demisexuel.le.
Des personnages à mon image, tu n’en trouveras pas, on invisibilise déjà les queer qui voudraient soi-disant dominer le monde avec des arcs-en-ciel, imagine si en plus iels cumulent avec d’autres choses.
Alors je me suis rabattu.e sur ce qui me ressemblait le plus, entre Princesse Sarah, Rémi sans famille (parce que quand on en a deux, niveau identité, on n’en a pas) et même si iels ne subissaient pas ce que j’ai vécu, ça me faisait rêver.
Maintenant, un petit jeu chez toi : lève la main si tu es devenu.e un.e fucking prince.sse ?
Non ?
Bon.
On en revient à ce que je voulais dire : y’en a marre des figures emblématiques qui ont une vie pourrie, quelques épreuves et paf, la gloire et la gratitude.
En plus, ça suit une hérésie méritocratique : si tu as douillé, à la fin la vie sera à toi… mouais… et la marmotte…
Ce que je voudrais, ce n’est pas qu’on casse le rêve.
Ce que je voudrais, c’est qu’on ait un peu de vérité, même en fiction.
Des histoires qui font des promesses un peu plus réalistes.
Un jour, je vivrai bien.
Pas parce que tout le monde il est gentil, mais parce que j’aurai appris à célébrer le fait que les gens qui se prétendaient proches aient quitté ma vie parce que leurs croyances passaient avant le fait de m’accepter comme je suis ; parce que j’aurai appris que les propos que je tenais pouvait être problématiques, que j’ai intériorisé plein de bullshit et que j’ai fait un travail sur moi-même et j’ai grandi.
Dans toutes les bonnes histoires, le méchant est rarement méchant par hasard ; ben le gentil non plus.
Alors j’ai des personnages qui font des conneries, disent des conneries, et qui s’en prennent plein la tronche, parfois qui partent faute de se remettre en question, parfois en souffrance jusqu’à avoir un déclic salvateur et j’en suis heureuxse.
Trois de mes principaux personnages féminins pourraient faire grincer des dents.
J’ai une elfe qui correspondait initialement au cliché de la femme selon les “règles” du patricarcat et qui a compris que jouer de son apparence ne la ferait pas avancer durablement ; une nomade très peu féminine qui se fiche de son apparence, a un sens très aigu de la loyauté et porte le poids d’être la dernière représentante de son clan ; une fée prêtresse qui est trans et en lutte contre l’intériorisation qu’elle a fait des violences psys datant de son enfance, qu’on peut percevoir douce et fragile, mais qui démontre des talents de diplomate et de leader quand elle en a l’occasion.
Aucune des trois ne va enseigner à qui que ce soit que la vie est facile, que tout se résout du jour au lendemain, elles vont parfois s’opposer, chacune va traverser des épreuves personnelles difficiles, avec ou sans lien étroit avec la trame principale des livres, mais à la fin, j’espère avoir réussi ma mission d’écriture qui aura été de, certes, faire rêver et réfléchir avec des histoires d’aventure dans un univers de magie, mais aussi et surtout de faire grandir chaque personne qui se sera reconnue dans l’une d’entre elles.
Pour que chaque personne, qui a rêvé un jour d’aventure, grandisse au point de se dire “les expériences que j’ai vécues sont extraordinaires, moi aussi je vais en faire un bouquin” et prenne sa plume pour écrire quelque chose d’incroyable et rien, RIEN, n’est plus incroyable que la vie.
Alors si tu lis ça et que tu batailles sur “est-ce que mon personnage devrait faire / dire ceci ou cela” demande toi qui est ce personnage pour toi et “en vrai” comment il réagirait, puis laisse le vivre.
Et à la fin, tu vas rire, pleurer, avoir envie de crier à plein poumons en relisant ton manuscrit et tu auras rempli ta part du contrat.
Bref, n’oublie pas aussi d’envisager la question d’un endroit spécial qui te stimule et t’apaise pour ton écriture et de penser aux économies que tu peux faire si tu aspires à vivre de tes écrits (je te donne mon expérience perso dans cet article).
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