Cela faisait un moment que je cherchais à écrire sur ce sujet et après mon article sur l’acceptation de l’autisme, il était temps que je parle un peu de pourquoi j’écris des personnages neuroatypiques et comment j’envisage la question dans mes activités en général.
Que ce soit avec le projet « Les aventures d’Allen« , porté avec mon fils, ou bien avec certains personnages des Aventuriers d’Orkradour, j’essaie de régulièrement écrire les neuroatypies.
Pourquoi donc ? Pour une question de message aux personnes concernées.
Les mots que j’aurais aimé recevoir à la place des maux.
Comme tout le monde n’a pas forcément lu ma petite biographie, résumons ainsi : je suis une personne neuroA (autiste, TDAH et dys) qui a grandi en famille d’accueil.
Mon placement fait clairement partie de la longue liste des placements abusifs de l’ASE, sur fond de racisme, mais aussi et surtout de psychophobie.
J’ai grandi dans une famille avec un sérieux syndrome du « white saviour » (« sauveur blanc » dans la langue de Molière, truc hérité du colonialisme, notamment) et un fond psychophobe très profond.
Cette psychophobie du quotidien s’est matérialisée en bien des façons, dont une négation de mon autisme avec des interventions pour empêcher mon diagnostic, de la maltraitance psychologique et conséquemment à cette dernière, de la maltraitance médicale.
Coincé·e entre une personnalité narcissique et une personne peu éduquée qui voulait surtout préserver son couple (ironie du sort, les deux se disent de gauche), j’ai subi à la fois de m’entendre hurler dessus qu’il fallait que j’arrête de faire des « trucs d’autistes parce que tu ne l’es pas », des humiliations publiques par rapport à mes hypersensibilités (typiquement, pour les repas de fêtes où on a souvent des clémentines sous la main, on me forçait à fermer les yeux et on me collait la peau dans la paume, me déclenchant une réaction à la texture, laquelle peut aller jusqu’à la formation de cloques comme si ma peau avait brûlé) et une continuité de mauvaises pratiques médicales (qui incombent autant à ma « mère » psychophobe qui refusait d’aborder l’angle de l’autisme, qu’au médecin qui n’aurait jamais du pouvoir exercer puisqu’il rentrait dans son jeu) dont j’ai tellement intériorisé les préceptes à la con que cela a failli me tuer en janvier dernier (pour les gens qui veulent savoir comment les psychophobes sont responsables de l’ingérence de l’obésité et des TCA chez les TSA, vous trouverez un article sur vraimentvivre.fr).
Quel est le rapport avec l’écriture, me demanderez-vous : à l’époque, je lisais énormément et il est fréquent que les enfants TSA, notamment les (assignées) filles lisent pour rester dans leur bulle; si des personnages neuroatypiques avaient fini sous mes yeux, j’aurais pu moi-même comprendre ce que je vivais dans un monde qui me modelait, par la force, à l’image des neurotypiques.
J’aurais aimé avoir un personnage qui voit et goûte les sons et la voix des autres, comme moi avec ma synesthésie.
J’aurais aimé avoir un personnage qui se casse la figure pour 0 raison apparente et galère à tenir un verre alors qu’il n’est plus un enfant, parce qu’il a un souci de proprioception.
J’aurais aimé avoir un personnage qui a besoin de vivre la nuit parce que le jour est trop bruyant et trop lumineux.
À la place, j’ai eu des caricatures de maladies mentales, des parodies de handicap, de la criminalisation… et rien de ces choses n’a disparu aujourd’hui.
Alors ce à quoi je n’ai pas eu droit à l’époque, je l’écris aujourd’hui.
Représenter pour donner une chance aux personnes concernées.
Comme je le disais, rien n’a disparu aujourd’hui.
Le film, plutôt encensé, qui parle d’un « petit truc en plus » en est un bon exemple.
On normalise encore l’institutionnalisation (ce qui contribue à justifier les placements abusifs de l’ASE, qui, je le rappelle, nous tuent, ou encore les institutionnalisations de force, coucou les délits et crimes des HP) mais aussi la criminalisation puisque ce « petit truc en plus » a d’abord été la potentielle trisomie 21 d’un tueur en série, parce que l’humour doit rire avec les gens et pas des gens, offre soumise à condition qu’on ne parle pas des neuroatypiques, là ça va, allez-y, on peut contribuer à faire croire que ce sont des « fous dangereux », des « déséquilibrés », on s’en tape des conséquences.
Enfin « on », les « gens normaux », parce que les neuroA ne s’en tapent pas.
Avoir passé des entretiens, t’entendre dire que c’est bon tu as le job et deux secondes après te faire jeter parce que « ah attendez, vous êtes TDAH ? finalement non… »
Faire l’objet de plus de violences des FDO.
Faire l’objet de plus de violences tout court en fait.
Cela ne devrait être ok pour personne.
Il paraît (dixit la même gauche à laquelle mes parents d’accueil adhèrent) que normalement on respecte les différences, apparemment c’est un slogan ok pour le racisme (quoi que le slogan « black blanc beurre » était très problématique) mais pas pour le reste, on peut aller se faire cuire un œuf, ça ne date pas d’hier, on peut reparler aisément des campagnes vidéos sur les places de parking pour PMR qui excluent la moitié des PMR.
Et puisque l’on fait du sur-place et que le principal pouvoir en la matière appartient aux artistes (même si les artistes neuroA friendly se comptent donc sur les doigts d’une seule main), il est important pour moi, en tant que personne concernée, de changer l’image de ma communauté.
Il est important pour moi de changer les mots qui nous qualifient et les termes qui nous représentent pour qu’on accède enfin au même droit à vivre que les autres.
Et par extension, qu’on le altère positivement, encore et encore, le regard sur le handicap et sur les personnes réputées (souvent à tort) non productives.
Et ce travail, je le réalise par l’écriture des neuroatypies en littérature… mais aussi dans les sphères éducatives et entrepreneuriales.
Écrire et agir pour changer le cours de nos vies neuroA.
Livres pour enfant, livres pour plus grands, documentation pour l’assistance familiale, mais aussi cours pour les personnes a/descolarisées au prétexte (côté étatique) de leur handicap, constitution de dossier pour du logement, des aides, du travail, storytelling pour nos adelphes qui essaient de vivre à leur compte, depuis plusieurs années je m’efforce d’écrire nos vies autrement.
Aujourd’hui, pour agir encore davantage, j’écris un autre chapitre, celui d’une agence dédiée : la neuroAAgency.
Pour du « sensitive reading » y compris pour les personnes qui font du stand up, pour de l’assistance pour nos adelphes neuroA, le but reste le même : qu’à la fin, le regard qui nous est porté soit différent.
Ce changement ne pourra pas se faire seul, j’ai besoin de vous pour nous aider à avoir nos locaux : https://gofund.me/8d37a8ff
Et en attendant, je continuerai à écrire les neuroatypies et le handicap en général, pour que demain, on vive ensemble au lieu de rire et de médire de nous.