En juin, je te parlais de comment j’envisage les économies en tant qu’auteurice et j’évoquais quelques fausses bonnes idées qui peuvent te coûter cher ; aujourd’hui, on va parler d’autres erreurs à éviter, moins intuitives, mais peut-être bien plus importantes.
Pour te parler des erreurs que j’aurais aimé ne jamais commettre, je vais te raconter une anecdote vécue au cours de la Necronomicon 2023 et on va décortiquer tous les mythes que j’ai du déconstruire depuis, pour que tu puisses penser librement la question par la suite.
Nous sommes donc à la mi-avril et je me rends à la Necronomicon, y croiser quelques ami·e·s, mais aussi l’une des personnes les plus importantes de ma vie, sur un plan personnel comme professionnel, qui se trouve être un des invités de la convention.
Aussi, comme nous avions prévu de discuter d’un projet ensemble, on va aller s’installer dans les loges pour discuter.
Tu t’en doutes, dans des conventions, les loges, c’est le lieu par excellence pour croiser du beau monde.
Et il se trouve que je n’avais pas prévu d’y mettre les pieds, je n’ai pas du tout anticipé la question et j’y ai donc fait une énorme bourde.
On me présente et, très objectivement, de manière très élogieuse.
Et je commets une grosse gaffe… Je baisse timidement la tête.
Tu dois te dire “rho ça va, tu es neuroA, tu étais intimidé·e, c’est pas la mort” et si c’est le cas, tu viens de tomber dans le même panneau que moi, qui a volé en éclats en percevant un murmure parmi les pontes qui étaient à la table à ce moment-là : “allez, un coup de fausse modestie.”
Outch.
Je ne vais pas te mentir, sur le coup, je l’ai laissé de côté en me disant “cette personne ne me connaît pas, comment peut-elle me juger ainsi ?” Et en fait, non seulement elle pouvait, mais en plus si j’avais réfléchi un peu, j’aurais plus rapidement compris pourquoi : mon attitude était un manque de respect et toutes mes “justifications” n’étaient que des excuses réchauffées qui me servaient à ne pas assumer mes erreurs.
Première des erreurs à éviter : s’autoriser à discréditer un discours de validation.
Un trimestre plus tard, j’en bondis en y repensant : mais quel·le imbécile je fais parfois !
Sérieusement, qui aurait l’idée saugrenue de se tenir à côté de quelqu’un qui peut affecter hyper positivement son avenir et prendre une posture qui traduit le “non, j’en veux pas de ta validation” ?
Tu m’étonnes que ça passe pour de la fausse modestie, littéralement la seule raison qui pourrait pousser quelqu’un à refuser l’approbation d’autrui, dans un contexte de tremplin énormissime, c’est de se dire qu’en fait, elle occupe déjà la place qu’on prétend lui donner, si pas meilleure place.
Et du coup ça accomplit exactement l’opposé de ce qui est recherché à la base, en plus d’attenter au crédit de la personne qui nous offrait gentiment des opportunités.
Si je pouvais remonter le temps, je crois que je me mordrais la langue, en gardant une posture droite et souriante et n’ayant cure du sentiment de démangeaison que j’éprouvais, voire en savourant ce sentiment, que l’on appelle couramment… syndrome de l’imposteur.
Deuxième erreur à éviter : adhérer au mythe que le syndrome de l’imposteur est un mal à ne jamais vivre.
J’avais prévenu en début d’article, on va parler de choses contre-intuitives aujourd’hui et en voilà une : le syndrome de l’imposteur est une bonne nouvelle.
Et si tu penses que je me fourvoie, prenons un instant pour nous rappeler que, très voire trop souvent, on nous présente des choses comme négatives à cause d’une vieille moralité désuète.
Exemple concret : “la curiosité est un vilain défaut”.
Non, le voyeurisme (la curiosité pour la vie d’autrui) est un vilain défaut, la curiosité, elle, est un moteur d’apprentissage.
Dire que le syndrome de l’imposteur est un mal à ne jamais vivre, c’est partir du postulat que le syndrome de l’imposteur est une manifestation d’un tourment qui en appellera un autre.
Grande question : c’est quoi, exactement, le syndrome de l’imposteur ?
Le syndrome de l’imposteur, c’est une manifestation de l’anxiété qui s’empare de nous lorsque nous nous comparons à d’autres pros et que nous avons l’impression de ne pas être à notre place.
Comme on en a discuté quand je parlais de dire stop à l’anxiété, cette sensation est un appel de notre enfant intérieur qui nous signale qu’un jour, un vécu similaire nous a blessés et qu’il faut se méfier.
Si on creuse un peu, on tombe très souvent sur le schéma où dans l’enfance, les activités artistiques, et tout ou partie de celles qui nous tenaient à cœur, ont été jugées et dévalorisées par nos modèles (parents, ami·e·s, profs…).
Alors quand on se retrouve dans une situation où des modèles redeviennent notre référence, les anciennes voix remontent et nous les laissons nous duper et nous faire croire que ce que produisent les autres est parfait et émane d’un talent quasi-divin, quand nos heures de travail acharné n’aboutissent qu’à quelque chose d’hyper critiquable.
Et cela occulte une chose très importante : enfant, nous rêvons de rencontrer nos modèles, nous rêvons d’avoir une chance d’être à la même table, même quelques secondes et nous avons parfaitement conscience qu’il y aurait un fossé entre nous.
Enfant, nous n’avons pas peur d’être critiqués, parce que nous savons que nous avons encore à apprendre et que ce serait une opportunité immense de l’être par les gens que nous admirons.
Alors pourquoi considérons nous le syndrome de l’imposteur comme un mal, quand en réalité, il est la traduction du fait que nous sommes en train de quitter la table des enfants qui ont suffisamment renforcé leurs acquis pour pouvoir rejoindre celle de leurs ainés ?
Parce que nous voyons la vie de manière tellement binaire que nous croyons à un autre mythe, celui de l’injonction à sortir de notre zone de confort.
Troisième des erreurs à éviter : vouloir quitter sa zone de confort au lieu de l’étendre.
En dehors de quelques individus trop singuliers pour être significatifs, personne ne passe des classes élémentaires aux bancs de l’université sans passer par le secondaire.
Pourquoi diable, dans notre vie professionnelle, exigeons nous de nous-même d’accomplir ce pseudo-miracle en “quittant notre zone de confort” ?
D’accord, il existe une poignée de personnes qui aiment l’adrénaline qui accompagne cette aventure des plus trépidantes, mais pour les autres ?
Est-ce que ça ne fera pas davantage sens de vivre chaque étape ?
Lorsque j’étais dans les loges de la Necronomicon, l’anxiété m’a envahie à cause de ce mythe à la noix.
En entendant le portait que l’on dressait de moi, mon cerveau s’est dit “ah, ça y est, tu étais auteurice dans ton coin, maintenant on vire les petites roues et on va faire du BMX avec les pros”.
Ce que j’aurais dû me dire, en réalité, c’est “trop cool, on est en train de m’enlever les petites roues et de me montrer toutes les personnes qui savent super bien faire du vélo, je devrais chercher qui est un peu plus expérimenté que moi et collecter des conseils et ainsi de suite avec chaque personne qui s’inscrit parmi mes modèles”.
Sauf qu’avec cette idée qu’on doit sortir de sa zone de confort, j’ai choisi la méthode casse-cou et j’ai récolté une belle civière mentale ; difficile de regarder autour de soi comment grandir quand on ne peut pas tourner la tête comme on veut.
Alors comment on fait, quand on a choisi la mauvaise méthode ?
Bonne nouvelle, les erreurs sont rarement insurmontables !
Rien n’est un échec, tant qu’on refuse d’abandonner.
C’est pour cette raison que j’ai décidé de faire de mon erreur ce qu’elle me semblait logiquement être : une source d’apprentissage.
Si je veux ne pas reproduire cette erreur, je dois à la fois identifier comment elle s’est produite – ce que j’ai fait en me renseignant davantage sur le syndrome de l’imposteur et tous les mythes qui s’invitent dans notre quotidien, mais aussi comment les choses auraient pu évoluer si j’avais fait les bons choix, pour voir à quoi je devrais prétendre à l’avenir.
Donc cette expérience m’a appris que pour ne plus me sentir mal dans mes pompes, il faut que je respecte le discours de la personne qui a réalisé ma présentation (quitte à m’appuyer sur le fameux “fake it until you make it” si je ne me sens pas encore à la hauteur) et que je fasse un pas dans la direction des gens qui sont plus aguerris que moi.
J’ai commencé à m’entourer de davantage de plumes expérimentées, à me documenter davantage sur le parcours des gens que j’ai rencontré et des personnes avec lesquelles je rêve de travailler.
Bref, j’ai écouté la version enfant en moi qui s’autorise à vouloir être à cette table, parce que c’est une nouvelle occasion d’apprendre et que ça ne devrait jamais nous faire peur.
Et toi ?
Quelle est ton expérience en la matière et comment repenserais-tu la chose, aujourd’hui ?
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